Camille Mondon
Arita

Arita


Assiettes à petits gâteaux utilisées à l'occasion des fêtes familiales, pied de lampe surmonté d'un abat-jour en forme de pagode, les porcelaines japonaises "Imari", reconnaissables entre toutes, sont un incontournable de l'univers bourgeois de nos grands-parents. Ces porcelaines aux formes sobres, décorées de motifs floraux en composition asymétrique peints en bleu cobalt et rouge d'oxyde de fer sur des fonds d'un beau blanc laiteux, évoquent des brocarts rehaussés d'or. Exposées et précieuses, reçues en cadeaux de mariage ou achetées chez les antiquaires, proviennent-elles des malles de colons au retour d'Indochine ou ont-elles une autre histoire ?  A les regarder de plus près, certaines semblent plus anciennes que d'autres, bien que chaque type d'objet présente des formes identiques et un décor similaire. 

Un voyage à Arita, la cité des potiers de l'île de Kyushu, m'en a appris davantage sur les Imari dont la production locale singulière a débuté au début du XVII° siècle dans un pays traditionnellement voué à la céramique alors que la Chine inondait l'Orient et l'Occident de porcelaines fines depuis longtemps. L'exploitation d'importants gisements de kaolin près d'Arita est à l’origine de la production d’objets raffinés et décoratifs exclusivement destinés à l'exportation vers l'Europe. Les Hollandais se chargeaient des  commandes et des expéditions maritimes par le port d'Imari situé au sud de l'île.  Sous leur impulsion, les ateliers se sont rapidement multipliés, le style s’est affirmé. Cette industrie à grande échelle et au commerce florissant a duré trois siècles. Le décor floral des porcelaines s’est sans cesse réinventé pour s'adapter aux modes occidentales sans jamais rompre avec le modèle original, ce qui rend chaque pièce à la fois semblable à l'autre et différente. Devant le succès rencontré, le style Imari a influencé les grandes fabriques anglaises, hollandaises, françaises ou chinoises. Aujourd'hui l’industrie est en déclin. Dans les ateliers d'Arita encore en activité,  de belles porcelaines aux formes résolument modernes remplacent les Imari des siècles passés.

Au-delà des porcelaines d’exportation, une autre production découverte au musée local m'a enthousiasmée. Il s'agit de celle destinée jusqu'en 1867 à la cour de Shogun, des objets du quotidien et de cérémonie collectionnés pendant cinquante ans par la famille Shibata.  Des objets inouïs de perfection et de beauté dont les décors appliqués sur des formes pures se déclinent autour de thèmes issus de la nature comme le poisson, l'oiseau, les fleurs. Le lègue est unique et exceptionnel.  Dans le village d'Arita, haut lieu de la porcelaine japonaise, les déchets des cuissons sont utilisés comme moellons pour la construction des murs de clôture des fabriques et des habitations, comme en témoigne la photo ci-dessous.

Arita

 

OCTOBRE 2011