Camille Mondon
Le chemin de Bonnard

 

Atelier avec mimosas (1935)

 

Non, Pierre Bonnard (1867-1947) n'a pas peint l'orange des Osages ! Mais il aurait pu, car c'est sur le chemin de sa promenade favorite que l'on croise cette boule verte étonnante et picturale. Je ne l'ai pas retrouvée sur les toiles de l’artiste dans les corbeilles de fruits posées sur la table familiale, ni dans les nombreuses natures mortes réalisées au Cannet. C’est sans doute parce que contrairement à la figue issue de la même famille de Moraceae, cette orange ne se mange pas.

Après Saint-Tropez et Nice où il avait pour habitude de séjourner, Pierre Bonnard loue à partir de 1922 différentes villas au Cannet, près de Cannes, puis achète un petit chalet tranquille enfoui dans la verdure des collines qu’il nomme Le Bosquet. Il y séjourne régulièrement à partir de 1927 après avoir réalisé quelques travaux d'aménagement, dont l'installation d'une baignoire pour sa femme Marthe et la création au nord d’un atelier doté d’une grande baie. Le couple s'établit définitivement au Cannet aux premiers jours de la deuxième guerre mondiale. Sur le chemin qui domine l'agglomération en longeant le canal de la Siagne, Bonnard dans sa promenade quotidienne croque au crayon gras des vues du paysage Cannettan. Puis il les peint sur des toiles punaisées au mur de son atelier. Il travaille en solitaire et réalise en vingt ans près de trois cents tableaux représentant les paysages alentour, le jardin, la maison, Marthe dans la salle de bains au carrelage blanc et bleu, des scènes de la vie familiale dans la salle à manger, des natures mortes, des échappées par les fenêtres. Le mimosa du jardin vu à travers la baie de l'atelier est un sujet qu'il affectionne. Son ami Henri Matisse avec lequel il entretient des relations artistiques et épistolaires, qualifie Le Bosquet de "charmant pigeonnier". Sur l'agenda de poche à la couverture de cuir noir servant à croquer, à noter les idées, les cadrages, les réflexions sur l'art et la manière de peindre, il inscrit chaque jour le temps qu'il fait : beau, pluie, nuageux... Au-delà du courant Impressionniste, puis Nabis, dont Pierre Bonnard a été l'un des principaux acteurs, les peintures réalisées au Cannet sont lumineuses et teintées de couleurs subtiles: "Il y a du vermillon dans les ombres orangers et du violet dans les gris". Par petites touches, il exprime sur ses toiles des visions très personnelles de son environnement quotidien et écrit : " Le tableau est une suite de taches qui se lient entre elles et finissent par former l'objet".

Pour rendre hommage à l'artiste décédé en Février 1947 au chalet Le Bosquet, la ville du Cannet a inauguré récemment un beau musée et réaménagé le chemin de Bonnard pour une promenade sur les pas du peintre. C’est une belle initiative qui permet de découvrir les points de vue sélectionnés comme sujets des tableaux, mais également de voir à l'automne, les curieuses oranges des Osages joncher le sol. L’arbre, originaire d'Oklahoma, a été introduit au cours du XIXe siècle dans le Sud de la France et quelques spécimens habitent encore les jardins des Alpes-Maritimes. Le bois des branches était utilisé par les Indiens des Osages (d'où le nom) pour confectionner les arcs de chasse, tandis que le latex de l'orange servait à peindre les visages en jaune et à teindre les vêtements.

 

Oranges des Osages

En savoir plus :
http://www.museebonnard.fr/pierre-bonnard/bonnard-au-cannet


 

Avril 2012