Nationale 7
De gauche à droite, Marion, Régis, Carole, Hélène, Alain, Yves, Colette.

 

Nationale 7

La nationale 7 forme une dernière courbe sur la droite avant de disparaître dans la forêt de sapins qui mène quelques kilomètres plus loin au col de la République.  C’est la limite de l’univers des vacanciers, petits et grands.  Ensuite, plus de maisons, peu d’airelles, peut-être des loups et des bandits.  Dans ce virage une ferme aménagée en hôtel-restaurant nous reçoit dès les premiers dimanches de printemps.  Murs épais, plafonds bas, planchers bombés, les salles du restaurant sont au complet de midi à trois heures.  On nous met à une longue table éclairée par une minuscule fenêtre.  Assis dans l’ombre, on oublie les grands malgré  leurs éclats de voix au premier verre de piquette, excellent vin local, dit papa.  On a le droit de ronger les os du poulet avec les doigts et d’écarter les carottes de la jardinière de légumes si on n’aime pas.  Mieux encore, on peut refuser le pâté de foie étouffant et les morilles noyées dans la crème fraîche. On vole les jonquilles du bouquet et on file en douce avant le fromage blanc et les pâtisseries maison.  On reviendra pour les desserts.  Appelez-nous par la fenêtre.  Surtout, n’oubliez pas.

Dehors, Hélène, Colette et moi, on saute déjà sur de grosses pierres où on a dessiné une marelle.  Hélène, queue de cheval noisette, mon aîné de six mois, me ferme le bec; Colette, cheveux courts coupé au carré, ma cadette de six mois, fait mes quatre volontés.  Ce serait les règles tacites de notre trio si Hélène plus grande que sa soeur et moi ne nous menait pas par le bout du nez, ce qui fait que je ménage Colette, et qu’avec elle, c’est à la vie et à la mort.

On descend la Nationale 7 à toute vitesse, je pédale, je pédale.  Tiens bon, je crie à Colette, assise sur mon porte bagage, les mains cramponnées aux ressorts de ma selle.  On s’amuse comme tout, c’est pas permis mais on s’en fiche, on pousse des cris de joie, Colette fait aller ses jambes de gauche à droite, le vélo commence à la suivre, je perds le contrôle de ma bicyclette Mercier bleu ciel et nous voilà toutes les deux dans le fossé, ma pauvre Colette est toute amochée! 

Pendant la semaine qui suit, j’irai chaque jour lui tenir compagnie dans le jardin où elle est allongée comme une grand-mère sur une chaise longue.  J’arrive, je lui dis que je suis désolée, que c’est bête et qu’on pourrait faire plein de choses ensemble si elle n’avait pas cette vilaine blessure au genou.  Sa maman me fait signe que ce n’est pas si grave, que tout ira bien sous peu.  Alors, je lui raconte les dernières nouvelles de la bande, on lit des BD, on grignote des airelles, heureuses malgré tout de passer ces moments de déveine ensemble.  On est sur le seuil de la maison, elle ne bouge pas d’un pouce et me sourit, ses yeux bleu clair sont gentils et rieurs, son petit nez en trompette m’épate.  Bientôt rétablie, Colette.


Notes


Le col de la République se trouve à une dizaine de kilomètres au Sud de Saint-Etienne en France.
Airelles: myrtilles, baies du mois d'août.
La piquette est un vin rouge ordinaire.
La marelle est un "jeu d'enfant qui consiste à pousser à cloche-pied un palet au milieu de figures tracées sur le sol (Dictionnaire multifonctions de TV5: http://dictionnaire.tv5.org/).
Amochée (familier): blessée.

Questions

1- Quel est le menu du restaurant de campagne?
2- Quels sont les droits des enfants pendant le repas?
3- A quelle saison se passe l'accident de vélo?
4- Où Colette est-elle blessée?
5- Racontez un souvenir d'enfance.

Clic (février 05)

 

Mai 2007