Le Malade imaginaire
Acte III


Scène 4 - MONSIEUR FLEURANT, une seringue à la main; ARGAN, BERALDE

ARGAN
Ah! mon frère, avec votre permission...

BERALDE
Comment? Que voulez-vous faire?

ARGAN
Prendre ce petit lavement-là: ce sera bientôt fait.

BERALDE
Vous vous moquez. Est-ce que vous ne sauriez être un moment sans lavement ou sans médecine? Remettez cela à une autre fois, et demeurez un peu en repos.

ARGAN
Monsieur Fleurant, à ce soir, ou à demain au matin.

MONSIEUR FLEURANT, à Béralde.
De quoi vous mêlez-vous, de vous opposer aux ordonnances de la médecine, et d'empêcher monsieur de prendre mon clystère? Vous êtes bien plaisant d'avoir cette hardiesse-là!

BERALDE
Allez, monsieur; on voit bien que vous n'avez pas accoutumé de parler à des visages.

MONSIEUR FLEURANT
On ne doit point ainsi se jouer des remèdes et me faire perdre mon temps. Je ne suis venu ici que sur une bonne ordonnance; et je vais dire à monsieur Purgon comme on m'a empêché d'exécuter ses ordres et de faire ma fonction. Vous verrez, vous verrez...

ARGAN
Mon frère, vous serez cause ici de quelque malheur.

BERALDE
Le grand malheur de ne pas prendre un lavement que monsieur Purgon a ordonné! Encore un coup, mon frère, est-il possible qu'il n'y ait pas moyen de vous guérir de la maladie des médecins, et que vous vouliez être toute votre vie enseveli dans leurs remèdes?

ARGAN
Mon Dieu! mon frère, vous en parlez comme un homme qui se porte bien; mais, si vous étiez à ma place, vous changeriez bien de langage. Il est aisé de parler contre la médecine, quand on est en pleine santé.

BERALDE
Mais quel mal avez-vous?

ARGAN
Vous me feriez enrager! Je voudrais que vous l'eussiez, mon mal, pour voir si vous jaseriez tant. Ah! voici monsieur Purgon.



Acte III, Scène 5 / Introduction au Malade imaginaire
L'Ecole des femmes - Le Bourgeois gentilhomme (extrait)
Littérature francophone virtuelle - Publications ou Sommaire de ClicNet


25 mars 1996
cnetter1@swarthmore.edu