Eluard (1895-1952)


Les fleurs

J'ai quinze ans, je me prends par la main. Conviction d'être jeune avec les avantages d'être très caressant.
Je n'ai pas quinze ans. Du temps passé, un incomparable silence est né. Je rêve de ce beau, de ce joli monde de perles et d'herbes volées.
Je suis dans tous mes états. Ne me prenez pas, laissez-moi.

Mes yeux et la fatigue doivent avoir la couleur de mes mains. Quelle grimace au soleil, mère Confiance, pour n'obtenir que la pluie.
Je t'assure qu'il y a aussi clair que cette histoire d'amour: si je meurs, je ne te connais plus.



Fêtes

La Valse est jolie,
Les grands élans du coeur aussi,
Rues,
Une roue valsait éperdument.
Des roues, des robes, des chapeaux, des roses.
Arrosée,
La plante sera prête pour la fête à souhaiter.



Courir

Cette bouche dure, sans larmes,
Choisit les femmes
Et les yeux de couleur
Apprécient
Toujours un peu plus de chair.

Choisir ou tourner la tête.

Ce sourire de tête
Ajoute la chair à la chair
La bonne chair à la meilleure

Apprécier, pour l'orgueil de choisir.

Et besogne toute faite:
Réussir.



Malice

On dit que la robe des robes partout se pose et se repose, que la toilette est aux yeux du dimanche, que le repos suit la pente des bras.
Toilette fine pour visites, propreté chez les autres, robe de tenue droite avec un paquet.
Robe mise, porte ouverte; robe ôtée, porte fermée.



Promenade

Habitude de marcher,
Habitude de courir,
Terre couverte et découverte,
Plus petite qu'un empire,
Bien étendue,
Mienne ici et là,
Ailleurs aussi,
Avec le geste pour rire
De cueillir
Les arbres et les promeneurs,
Leurs ombres et leurs cannes,
Le sol partout divisé.



La paresse

J'ai jeté ma lampe dans le jardin pour qu'il voie clair et je me suis couché. Le bruit remuait tout au dehors. Mes oreilles dorment. La lumière frappe à ma porte.



Air noir

La ville cousue de fil blanc,
Les toits portants cheminées,
Le ciel parallèle aux rues,
Les rues,
La fumée sur les trottoirs,
TROUVAILLE.

Des pas les uns vers les autres,
Le soleil ou la lumière,
Souvenirs de ville,
L'HEURE A L'HEURE,
Du matin, de midi au soir,

Façades et boutiques,
Des lumières pliées dans des vitres,
VEILLER.

Ailleurs,
La nuit enfermée dans la nuit,
Les chiens aboyant à la nuit des chats,
LA FATIGUE.



Vieillir

Ombre de neige,
Coeur blanc, sang pauvre, coeur d'enfant.
Le jour.
Il y a toujours le jour du soleil et le jour des
nuages.
Le ciel, bras ouverts, bon accueil
Au ciel.



Poèmes extraits du recueil
Les Nécessités de la vie et les conséquences des rêves
précédé d'Exemples (1921)

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ClicNet, novembre 1996
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