souffles
numéro 1, premier trimestre 1966

hamid el houadri : poèmes traduits de l'arabe par
nissaboury avec la collaboration de l'auteur
pp. 9-11


1

Ne t'étonne pas si dans mon sang brûlent des vers
si la faim brusquement se met à fouetter la vie
si j'ai fait miens des cris de pauvres diables
comme lorsque j'ai aimé
si au rebelle crucifié dans la citadelle
nous avons apporté
un pain noir
et tu avais la foudre dans les yeux
un jour de grève
un jour de famine
tu ne la connais pas l'histoire de ces yeux rouges
maudits mes poèmes sont maudits
qu'on déchiquète les doutes
de quoi s'agit-il mon pays n'est qu'un musée de mendiants
apportez les jarres fils de H'mad-Ou-Moussa
mes tempes réclament les terrifiants
j'ai presque anéanti dans une nausée sans fin
la nuit du 10 chaâbane
des racines de galons de bandits pitoyables
j'ai proclamé haut
le petit lait
l'aâssida
pétri dans un plat de femme privée de ses enfants
les nymphes de Shéhérazade
les kholkhals de Shéhérazade
et par hasard rencontrée sur ma terre
une putain
si mes ancêtres se sont habitués à la flûte
moi je suis une tempête de fièvre
j'entraîne les malades d'hier
vers où cessent les mensonges
inopinément
vers les forêts
les montagnes les lacs
laisse-moi délirer tempête
dormir dans la rue
les morts
où sont les morts
il est encore beau le cimetière
tordez-vous dans la poussière
je ne suis pas en train de vous droguer les nerfs
je m'attendais
à ces expatriés
ces exilés
ces vagabonds
et tous les esclaves
à vous aussi
même si vous me reniez.


2

Je suis las de m'en foutre
à quoi rime toute cette histoire
des mauvais esprits des putains de quelle terre s'agit-il
et ça veut dire quoi
mon écho au pied de la montagne des incantations jugulant les sauterelles
dans des
eh bien si j'étais fou si j'étais cri dans des rêves de bêtes
ce sera les gerbes

la noirceur la pénombre ah la nuit
d'où vient la nuit avec ses nids de détresse
louange à Dieu seul et béni soit le prophète
messieurs je suis fou

et quoi encore
l'océan et ses naufrages de marins étrangers
une canaille que je hais a la poitrine pleine de
quoi Bab Jdid Sidi fatah El Arsa En'Zala Boutouil Derb ben Hommane
mon ancienne Médina
et "C'est toi ma vie" à la radio de Hajja Mama la voisine
et les nuits du Ramadan qu'on danse au Cabaret-Robert
mais qu'est-ce que ça veut dire cette histoire

voici l'éclaircie
il était une fois
et une bande d'oiseaux
insupportable ton ironie
j'ai laissé les chacals dans des
loin
pas dans l'île aux Génies
la foudre
la mère m'a donné la foudre
viens ma mère
les poubelles publiques regorgent de créatures
par millions ruminant la faim
moi je patine sur des
tel mon inconscience se montre un chien enragé personne ne l'a jamais vu
comme si la mer
et les pyramides d'Orient lavant la face du Nil
du Tigre
et de l'Euphrate
et la foudre
la mère m'a donné la foudre
ne fusille pas l'enfant
il était une fois dans les temps reculés
halte et supporte ta douleur
ne sais-tu pas que je porte l'élément des Atlas
une théière de vieillard
semant le haschich absorbant le haschich c'est ça
du haschich
et une table majdoubines qui habitent la médina
moi je hais la flûte
quoi
et les blessures qui s'éprennent d'exil
quoi
et un soleil malade qui fout le camp
quoi
et des étoiles qui ne se montrent plus
quoi et la route
elle est encore longue la route
un corbeau noir tourne tourne
abandonnée la ville
des cadavres rien que des cadavres
et qu'est-ce que ça veut dire en fin de compte cette histoire
là-bas
dans une terre de solitude lamentable
ah ah vous attendez de moi
un jour je haletais
enculant les grenouilles dans un pays d'ébène
un brouillard informe pissait parce que je ne pardonne à personne
et je m'en fous d'ailleurs
tant que le sexe de la poésie restera à dégueuler
la foudre la mère m'a donné la foudre
ne fusille pas l'enfant
il se peut que je sois
il était une fois dans les temps reculés
je me paie vos têtes



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