belkahia chebaa melehi

souffles
numéro 1, premier trimestre 1966

mohammed khaïr-eddine :
horoscope, mémorandum, tract
illustration : belkahia chebaa melehi
pp. 13-16


horoscope

la roue du ciel tue tant d'aigles hormis toi
sang bleu
qui erres dans ce coeur oint de cervelle d'hyène
voiries simples ? du mica dérive une enfance fraîche
et scinques mes doigts de vieux nopal
en astre noué péril à mes nombrils
vieux nopal
mal couronné par mes rêves de faux adulte
sans chemin
le simoun ne daigne pas réviser ma haine
pour qui je parle de transmutations en transes
pour qui j'érige un tonnerre dans le mur gris du petit jour

cadavres ? que parmi le basilic où je me gave
du camboui des peurs géologiques
s'ouvre en volte-face
l'oubliette qui me démange sous l'ongle du pouce

la roue du ciel et les pucelles à bon marché
par les barreaux fétides de la cage de ma gorge
par ma voix de marécage endossant subrepticement
une histoire d'anse perlière
par le lait amer des pérégrinations

je vous crève famines de pygmée
dans un rythme où les mains se taisent
je vous écrabouille
hommes-sommeils-silos-roides
vous dégueulez nos dents blanches salissant
la vaisselle onéreuse de par mes sangs sacrés
du midi exigu d'où fuse mon tertre populeux

terre sous ma langue
terre
comme la logique du paysan
silence sciant les têtes de lunes tombant
dans mes caresses de serpent
et mors à même les lèvres noires du douanier
giclé d'un hors bâtard de seps corruptible
reste ami quand même
canaille de tous temps
de tes serrements d'algue vétuste
de tes normes
de tes soldes de nom ayant gardé
un éclat du pur cristal des noms
de ces bouges plein tes vingt jambes
de ton humidité
sors comme une aile

l'Europe te fabrique un asthme de sable
et de gouttières
l'Europe
avec sa queue de rat fatal
sors pour entendre le dernier acte de l'hiver
le miracle ne soudoie pas la roue du ciel


mémorandum

salves
et trafics de sangsues noires sous mes rétines
soleil laisse s'infirmer tes mains dans mon sang inaudible
et moi te boire en une giclée de délirium

le ciel complice des belles astuces de ta luette
et l'esclave aux yeux gelés qui joue de la flûte
à merveille dans mes peaux succintes
les vices inédits du sirocco
qui te font soleil mufle de détresse
quand mon sperme catastrophique
étourdit ton sexe de gekko
quant le vent décrète une insurrection sans visage
comme une mutinerie immémorialement espérée
la teneur du Temps
craque en scolopendre à ras des paupières malfamées
de l'estuaire incandescent

je t'abjure - tu gerces les aisselles de ce peuple
terre d'écrit droit en harpon très émeutière -
soleil inscrit au sommier de mes audaces
tes affres émeuvent les patiences résignées
caillées à même
ces anneaux d'iguane sachant que ma paume
porte toujours ses arrières de caroubier

ô chevaux intrépides
par les airs comme par le miracle où frétillent
nos âmes marquées du sceau opératoire
chaque pierre appelle un désastre infantile
l'année passée
je me frappais ma bosse de dromadaire
je saignais le placenta de ces éclipses
mais je n'ai pas dit
je n'ai pas vomi
le mot pistolet qui n'a pas froid aux yeux.


tract

l'oeil fini d'un aster nocturne
le mot frileux du monticule
lacèrent le secret mort-né des boules d'abeilles
rêves
entre les incisives du quartz
vols fripés trop loin dans les branches de mes genoux
du haut d'une nausée
au blanc d'une querelle
quel tronc dites ou quelle fable
homme forêt fébrile
fumée lapée par les mâtins exzémateux
du ciel
du nom d'une vague
au nom d'un rhizome
ici le crime achève le vent
lorsque l'absence nous baigne dans le lait des stégomyies
ici la bête
sexes velus des rares astres qui noient mes tempes
quais noirs ta moelle gâtées tes mains nubiles
corps ébréché pourquoi ressac
ton sperme écrit
sous l'arbre vide jeté sur ton corps étiolé
comme une ville inattendue dont on répète
chaque vitre jusqu'à l'île la plus étrange
corps tué par le rythme fugitif du poème
oh
plus loin
la signalisation de ma lymphe claire
les commotions en bas des pistes de ma gauche
les muséums comme des taches d'encre violette
c'est dedans enténébré et pourtant lumineusement
reconnu
où s'affairent des monstres sous l'ordre d'un céraste
que se massacre un peuple souffreteux
entre les trombes d'un jeu royal
l'amour n'est plus tolérable oh bouillie la mort
nichée gazouillant comme au début des roses
et des couronnes de ruisseaux creusant le choc salaire
terre promulgée
vigne et pomme de gorge en sein suivant
la respiration sourde où le songe s'accroisse
jupes de lumière et moi soudain épris d'une arme
de silice qu'un ancêtre a mis des siècles à faire briller
j'intercepte les éclatements
devant tes peurs d'orifices inoubliés
oh matrices divulgées que naisse la chair
non plus charogne furetant autour des roches
et des ruches non plus pardon ni bisegale
vivre ce soufre qui fend nos doigts
saccageur
je t'écroulerai du pied et de la tête
mais
caverne
eau-séisme-de-carne-et-de-caverne
ruisselait sa voix revolver dans le nimbus
de nos sinistres dont nulle planète ne sait le nom
il sortit le verbe l'ayant endommagée de salives malignes
le diable posait ses nasses et soldait la peau
du peuple savamment cousue par le prophète
il se gargarisa de nos sangs trop frais
pour une guerre fraticide (le mulet de l'aube ancienne
fut scellé
Kahina
hissant ta prunelle comme un drapeau
couleuvres grises bidonvilles steppes de globules
d'affiches portant le prix de nos têtes
dérapées
vieux policier qui décèle chaque énigme chaque trace)
bila : mille audace sans recul fusil et ventre
tortures
quand finit l'oeil d'un aster nocturne
dans les involucres du printemps tuberculeux
quand le danger trépide sur les faces
ce drapeau est à refaire
à l'instar du sort du Sebou
et du Sous parfumant la plaine des étoiles englouties
vieux policier qui décèles chaque énigme chaque trace)
j'avance dans la mauvaise tournure du Temps
mais je troque tant pis je troque mes rages
contre la belle bouche bée sur le trottoir de l'émeute.



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