Camille Mondon
G20 2011

L'Histoire s'écrit à Cannes, bienvenue au G20. L'affiche sur fond blanc inonde la ville. Une tour Eiffel aux couleurs de la France, remplace joliment le A de Cannes. Une multitude de bannières ornent les rues, les palmiers, les réverbères et les abris bus. Le Palais des Festivals fraîchement repeint en blanc, s'est habillé de bleu sur sa façade "Croisette" et les tapis rouges ont été déroulés comme à l'occasion du Festival de Cannes qui chaque année en mai réuni le monde international du cinéma. Cannes est habituée aux grandes messes et aux milliers de visiteurs. Cette ville n'a pas été choisie par hasard pour le sommet du G20 2011.

En ce premier jour de Novembre, il fait un temps radieux. La pluie n'est prévue que pour les deux jours du sommet, les 3 et 4 Novembre. Les parapluies sont prêts à abriter le dynamique Président du G20, les vingt-sept chefs d'Etat et de Gouvernement, les délégations des cinq pays invités et des sept organisations internationales. Dans l'attente de l'état de siège complet infligé à la ville, les préparatifs vont bon train. Les frontières avec l'Italie, les aéroports de Nice et de Mandelieu, les routes nationales et départementales, les pénétrantes et les rues, sont sous contrôle. Les candidats à l'immigration clandestine ne sont pas à la fête. La Douane et la Marine patrouillent le long de la côte de Nice à Saint-Raphaël. L'armée occupe les collines et les ports de Cannes, les missiles sont en batteries, les hélicoptères survolent la zone. Le centre-ville est bouclé, encerclé de barrières métalliques. La ville est cernée par plusieurs milliers de policiers, gendarmes et militaires. La baie est interdite à la navigation et les pêcheurs sont au chômage. De nombreux commerces sont fermés et le petit peuple de Cannes a préféré s'exiler en ce long week-end de la Toussaint, abandonnant la ville au G20. Le marché de Forville vit au ralenti et ne ravitaille plus que les riverains résistants et badgés. Seuls les accrédités du sommet, techniciens et journalistes, sont autorisés à arpenter le centre-ville et la Croisette à pied, à la grande joie des commerces de luxe, des cafetiers et des restaurateurs approvisionnés pendant la nuit. Tous les hôtels ont été réquisitionnés. "Cette manifestation représente 35000 nuitées et s’inscrit dans une stratégie globale de prospérité de la ville", déclare le Maire de Cannes ami du Président français.

A la Villa Paradis, un peu éloignée du périmètre rouge, les habitants ont déserté les lieux, à l'exception de mon voisin du dessus dont la société de gardes du corps est au service du G20. Depuis son départ matinal, je n'entends plus que le chant des oiseaux. En cette veille de l'ouverture du sommet, les jets privés en phase d'atterrissage à l'aéroport de Cannes-Mandelieu et les sirènes policières qui retentissent dans le silence absolu d'une ville assiégée me perturbent. Les goélands apeurés sont remontés jusqu'ici, fuyant la mer et les rivages. L'atmosphère est pesante. La télévision et Internet me permettent d'accéder aux espaces interdits. La chancelière Allemande, le Président Sarkozy, le FMI et le Président chinois sont déjà là. Le Premier ministre grec est convoqué ce soir. À l’heure où je regarde un joli film de Josée Dayan, les discussions s'engagent et se poursuivront dans la nuit pour tenter d'enrayer la crise de l'Euro et de l'Europe.

Jeudi matin, la pluie est arrivée de bonne heure avec le cortège des chefs d'Etats et des délégations. Le ciel est sombre. Les drapeaux du Palais flottent au vent fort qui vient de se lever. Le menu du G20 est chargé de plats indigestes et de questions récurrentes liées au système monétaire, à la régulation financière, aux prix des matières premières, à la lutte contre les paradis fiscaux et la corruption. Les marchés financiers sont à l'affût des décisions. Mais, la crise de la zone euro éclipse les enjeux et le programme du jour est bouleversé. Les grands thèmes à traiter sont remis à demain.

Vendredi matin, la pluie redouble, les oiseaux du jardin ne se font plus entendre. Un silence oppressant persiste dans la ville. Les commissions travaillent. Aucune information ne sort du Palais. À 17 heures, la nuit tombe un peu plus tôt qu'à l'ordinaire et le vent souffle en tempête. Le sommet vient de s'achever. Les jets décollent déjà de Mandelieu et les sirènes des cortèges se font entendre sur le boulevard. Ils regagnent l'aéroport de Nice par une autoroute fermée à la circulation sous les dispositifs d'une sécurité maximale. Les usagers manifestent. À la Mairie, Obama et Sarkozy posent devant les caméras de la télévision française. L'entente semble cordiale et les deux présidents unis dans la tourmente, se congratulent. Ce G20 2011, altéré par le psychodrame grec, fut bel et bien historique et Cannes sous le déluge, restera à coup sûr dans toutes les mémoires.

 

NOVEMBRE 2011