Camille Mondon
En cette fin de mois d'Août, la naissance d'Achille est un événement. C’est une belle occasion d'aller dans les Vosges et de découvrir le nouvel héros de la famille. Partie de Haute-Savoie le matin de bonne heure je n'ai aucun programme et un seul objectif, celui d'arriver le lendemain à destination. Je dispose d'un peu de temps pour un voyage en France que je souhaite impromptu. A cette période de l'année, le trafic est dense et les voitures sont chargées du matériel des vacances qui s'achèvent. Les camions et les caravanes encombrent les voies de circulation. Les aires de repos sont envahies de bambins jouant à cache-cache entre les arbres. Il ne fait pas bon rester sur l'autoroute. En traversant la Bresse, l'envie irrésistible d'une volaille rôtie ou cuite en vessie provoque le premier arrêt. Le restaurant est rustique. Les familles sont attablées devant des assiettes copieuses. Sur la carte, le poulet de Bresse est "à la crème". Je ne pose pas de question sur l'accompagnement et me réjouie d'avance. A l'arrivée du plat, j'ai la surprise de voir sur l’assiette une énorme boule de papier aluminium piquée d'une étiquette en forme de petit tableau noir sur laquelle est inscrit à la craie "Pomme de terre Samba". La poularde est tendre et goûteuse, la crème onctueuse, l’insipide Samba superflue. J'ai seulement regretté les morilles de Vonnas. Repue, je continue ma route par des voies détournées à la découverte des fermes bressanes à colombages avec des élevages de poulets blancs à pattes noires. Au hasard des chemins, j'aperçois quelques belles cheminées sarrasines en brique. Elles caractérisent cette architecture rurale par trop malmenée par la modernisation. La visite de l'écomusée du "Domaine des Planons", un ensemble de bâtiments traditionnels rénovés à l'ancienne, me permet d'approcher les murs à pans de bois et les torchis, d'observer les tuiles canal des toitures à larges débords, les galeries et les panouilles de maïs accrochées aux poutres. Sans avoir vu d’élevages, je quitte la Bresse pour prendre la direction du Jura, pensant faire une halte à Dole. C'est à Louhans, une petite ville médiévale que je m'arrête le temps de cheminer sous les arcades de la rue centrale et de visiter l'église. Puis reprenant la route, j’aperçois l'indication « Arc-et-Sanans ». Rien ne peut m'émoustiller davantage que de savoir la Saline Royale à quelques kilomètres seulement. Je connais tout ou presque de l'architecture de Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), tout de l'histoire de ce site unique inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco et ne l'ai jamais approché. Sur la route des Vosges, le rêve de la visite de ce monument historique devient une réalité à cinq heures précises. La lumière crue d'une fin d’après-midi ensoleillé souligne les volumes géométriques et puissants des colonnes de la maison du directeur, illumine les toitures des écuries et du bâtiment des gardes, accentue les hauts-reliefs des urnes dégoulinant d'une épaisse saumure. Ce motif ornemental, symbole de la saline, se répète sur les façades de pierre blanche de plusieurs bâtiments du site. Je suis enthousiasmée par la pureté des lignes, la qualité des matériaux, la composition rigoureuse de l’ensemble en arc de cercle dont aucune photo ne peut restituer l'ampleur. Sous les charpentes et les voûtes de bois fraîchement rénovées, des maquettes blanches illustrent l'oeuvre néoclassique de l’architecte. Je les parcours une à une et me régale devant les projets visionnaires de la maison des gardes agricoles ou du cimetière de la ville de Chaux. La fermeture du site m'oblige à quitter les lieux à regret. Je reviendrai et dormirai à l'hôtel aménagé dans le bâtiment de la gabelle qui n'a plus de chambre disponible à cette heure tardive. En sortant émerveillée du site de la Saline Royale, toute autre visite sur mon itinéraire routier du lendemain m’apparaît superflue. Je décide donc de poursuivre le voyage en France directement jusqu'au berceau d'Achille.
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Avril 2012 |