Camille Mondon
Black Geometry
Les centres et musées d'art contemporain se multiplient en Italie du Nord et c'est une aubaine pour tous ceux qui aiment l'art actuel. À Turin, en automne 2010 la Fondation Sandretto Re Rebaudengo présentait une exposition sous le titre de "Modernikon" réunissant une nouvelle génération d'artistes russes dotés d'un oeil neuf, d'un regard critique, d'un appétit aiguisé pour la reconnaissance. Des artistes qui provoquent, dérangent, sont politiquement incorrects.
C'est ce que j'ai aimé dans "Black Geometry", une oeuvre de David Ter-Oganyan, né en 1981 en ex-URSS. À première vue, l'oeuvre est abstraite et se compose d'une série de toiles peintes à l'acrylique représentant des tâches noires sur fond blanc alignées côte à côte sur le mur de la galerie. D'un bel effet plastique, l'ensemble attire l'attention et le regard se porte sur l'une et l'autre tâche aux formes irrégulières placées au centre de la toile. Certains contours dentelés sont curieusement marqués par des lignes droites. On s'interroge. Sont-elles les éléments d'un puzzle se référant à une pièce unique découpée au scalpel (par l'artiste) ? La réponse est oui, car il s'agit d'un continent, de l’Afrique dépecée, non par l'artiste qui représente ici les états africains dans leurs frontières, mais par les décisions politiques lors de la colonisation. Le jeune Russe accuse les grandes puissances d’avoir tranché leurs parts de gâteau selon leurs seuls intérêts à la Conférence de Berlin (1884-1885). L'oeuvre est forte et l'artiste semble protester ici du peu de cas fait alors des populations, des territoires tribaux, des réalités anciennes. Un manifeste qui souligne l’origine des problèmes actuels de l'Afrique.