Petites et disséminées dans l'appartement, j’avais du mal à les voir et ne pouvais me réjouir de ces merveilles provenant de mes diverses pérégrinations. Souvenirs de voyages, de rencontres et de moments de vie, tous se devaient d’être rassemblés dans une présentation adéquate devenue indispensable à mon bonheur. L'achat chez Deyrolle d'un papillon blanc dans une boîte provoqua l'idée de "la collection". C'est le nom que je donne désormais à l'accumulation de plusieurs boîtes de même facture élégamment disposées sur trois rayonnages blancs fixés au mur. Chaque objet est à son avantage dans le cadre qui le protège et le valorise. La collection s’inscrit dans un carré presque parfait, dont les dimensions ne peuvent être modifiées. Elle se présente comme un tout, une pièce unique visible d’un seul regard. Mais, l’œil peut y flâner à loisir et explorer à satiété. C'est une sorte de cabinet d'entomologie dont le thème n'est pas seulement les insectes, comme le grand papillon blanc Morpho polyphemus du Mexique ou le gros scarabée noir et cornu Heliocopris dominus provenant de Thaïlande, mais également celui de curiosités épinglées ou fixées dans les boîtes avec un soin de naturaliste. Une façon de mettre en évidence l’insolite des formes et des matières.
Devant cet accrochage qui me ravit, les visiteurs s'interrogent et questionnent. C'est d'abord les colliers facilement identifiables qui séduisent. Celui du chef Ifugao provient de l'île de Luzon au nord des Philippines. Fait de rotin, de plumes et de deux dents de cochon sauvage a beaucoup de succès, comme le collier de nacres découpées et gravées de la même tribu, ou encore, le double rang de galalithe fermé par deux corries trouvé sur le marché de Mopti. Ceux des femmes Bozo du fleuve Niger déconcertent par l'accumulation des perles de verre tressées en d'énormes tores colorés. Les scarabées égyptiens émaillés de bleu turquoise provenant de mon premier voyage en Egypte sont reconnus, mais pas la petite tête en terre cuite Tolita de Tumaco rapportée de Colombie et vieille de plus de deux mille ans. Les yeux des curieux s'émerveillent devant les plumes blanches d'Isa Barbier. Cette amie artiste a accepté de mettre en cage des plumes qui, en d'autres lieux, s'envolent au gré d'installations poétiques et éphémères. Puis, l’attention se porte sur deux petites créations que j’affectionne depuis longtemps : un carré en plomb teinté de pastel blanc de Jacqueline Morabito et une boîte contenant un minuscule corps féminin rouge porté par un animal chimérique au coeur d'une forêt tropicale faite de papier mâché coloré et verni, réalisée par K-Roll. La délicate miniature Directoire héritée de ma mère représentant une jeune femme à la peau diaphane peinte devant un paysage romantique, est très appréciée. La pièce centrale d'un tablier de chaman tibétain effraye lorsque j'indique qu'elle est sculptée dans un os de tibia ayant appartenu à un moine bouddhiste sanctifié. Les réactions sont plus réservées devant le moulage d'argile et de cendres humaines d'une divinité tantrique provenant du pays Sherpa, une offrande destinée à être placée sur la terre (la base) du chorten (ou stupa). L’édifice qui représente l’univers, commémore la mort de Bouddha et de tous ceux dont les cendres ont été recueillies. Le dragon de jade blanc chiné à Cat Street lors d’un séjour à Hong Kong, le Taj Mahal en pierre de savon dans sa petite boîte de verre offert par un ami indien et le bain japonais minuscule trouvé par ma cousine adepte des yard sales de Pennsylvanie, font sourire et enthousiasment. Quelle belle collection !