Camille Mondon
Un Japon très intime
Pour un étranger ignorant les coutumes intimes du Japon, il n'est rien de plus surprenant que la sophistication des toilettes japonaises. Je veux parler du Washlet, ce produit "high-tech", développé par la firme Toto, qui s'est répandu du nord au sud du pays depuis les années 80. Amélioré d'année en année, il possède aujourd'hui d'extraordinaires fonctionnalités commandées par un double tableau de bord, l'un situé à droite du siège, l'autre sur le mur le plus proche. Le "must" est la télécommande libre qui permet sans mouvement intempestif d'accéder à toutes les fonctions proposées par le fabricant, mais réservées aux toilettes les plus luxueuses.
Bien qu'il existe différentes tailles, incontestablement le washlet est énorme pour des utilisateurs généralement de petite taille et mince comme des fils. Dans la salle de bains, il est disproportionné par rapport à une très petite baignoire indispensable pour un Japonais et à un lavabo pour lilliputiens. Plus l'hôtel est distingué, plus le washlet est géant. D'ailleurs, il n'est pas rare, compte tenu du volume de l'engin, de voir la salle d'eau divisée en trois espaces séparés et quasi identiques : un pour les toilettes, un pour la baignoire, un autre pour le lavabo encastré dans un plan vasque dont une partie est réservée à la préparation du thé. La bouilloire électrique, les bols en porcelaine et les sachets contenus dans une boîte de laque, sont là à cet effet.
La porte des toilettes, si elle n'est pas coulissante, s'ouvre toujours vers l'extérieur. Dès l’entrée dans le local, on s'étonne de la présence au sol d'une paire de chaussons en plastique, rose ou verte, décorée ou non. Celle-ci indique le passage d'une zone propre (la chambre ou la salle d'eau) à une zone sale (le WC). Avant d'accéder au washlet, il faut laisser la paire de chaussons d'intérieur devant la porte et enfiler la paire en plastique. C'est là sans doute une réminiscence des temps plus anciens où les toilettes se situaient à l'extérieur de l'habitation, isolées dans le jardin, qui nécessitaient pour s'y rendre de s’équiper de chaussures non admises dans la maison. Bien chaussé de plastique, on fait alors un pas dans la zone sale, puis un tour sur soi, avant que le postérieur ne touche le trône, l'abattant s'étant relevé comme par enchantement grâce à l’œil électronique qui détecte toute présence près du washlet. Le premier contact est chaleureux du fait d’un siège chauffé à 40°. Dès lors que l'on s'assoit sur la lunette, l'eau se met à couler, faisant monter le niveau dans la cuvette de manière à ce qu'aucune salissure ne vienne ensuite ternir le blanc immaculé de l'émail. Pas besoin de balayette donc, elle devient inutile et reste introuvable dans un WC japonais.
Avant toute action, il convient pour un confort maximum de régler le chauffage du siège à l'aide de la commande pour obtenir la température souhaitée. Ceci fait, il est indispensable alors d'appuyer sur la touche musicale qui porte le joli nom de « Princesse du son ». Celle-ci imite à loisir et en continu le bruit d'une chasse d'eau ou d’une cascade propre à masquer les sons disgracieux. C'est un dispositif très étudié, destiné à limiter une pratique japonaise qui consiste à tirer la chasse d'eau en rentrant dans le WC pour masquer les bruits à venir, provoquant ainsi une surconsommation d'eau.
L'acte terminé, les commandes proposent un lavage plus ou moins complet du fessier ou une fonction bidet plus ponctuelle. Aux touches, accompagnées de pictogrammes pour qu'il n'y ait pas d'erreur dans le choix, s'ajoutent d'autres touches destinées à régler l'intensité des jets d’une eau toujours tiède et bien orientée. La merveilleuse fonction séchante n'est hélas pas toujours disponible. A défaut, la présence de rouleaux de toilette jumeaux, fins et doux comme du papier de soie, est appréciable. Il ne reste alors qu'à se relever et à trouver la commande de la chasse d'eau. La recherche du bouton adéquat sur l'un ou l'autre clavier peut prendre un peu de temps. Une fois trouvé et activé, comme par magie l’abattant s'abaisse lentement. Après avoir tiré la chasse, il convient d'activer la touche désodorisante pour assainir les lieux, puis d'ouvrir la porte, de quitter les chaussons en plastique, d'enfiler à nouveau ceux abandonnés précédemment dans de la zone propre pour approcher du lavabo. C’est alors seulement que l’on peut circuler librement dans la chambre. Ces actions successives, exécutées avec le plus grand soin, mettent un terme à l’aventure du Washlet qui prend une bonne dizaine de minutes dans le meilleur des cas et dans d’autres, un temps indéfini.
Lorsqu'on pense que l'on va aux toilettes plusieurs fois dans une même journée, de tels dispositifs hautement sophistiqués nous apparaissent à nous étrangers bien contraignants mais délicieusement hygiéniques. Le fabricant Toto rêve d'exportations dans le monde entier. On ne peut que se réjouir de telles intentions. Je me souviens avoir vu il y a quelques années au Salon du Meuble de Milan une démonstration particulièrement appliquée du fonctionnement de cette innovation sans pareille. Une importation en France est-elle prévue ? Je suis très impatiente et m’en réjouis d’avance.
Plus d’informations
http://www.youtube.com/watch?v=wMW5_XYOyns#
http://www.washlet.com/