Camille Mondon
Le jardin chinois

 

De mon premier voyage en Chine, je garde plus que tout autre le souvenir des jardins. Des univers de calme et de spiritualité qui célèbrent la beauté d’une nature recomposée, réduite et magnifiée où chaque élément invite à la réflexion, favorise l’inspiration et satisfait les sens. Évocation du cosmos, le jardin chinois renvoit à la Chine (classique, en particulier à celle) des Ming qui ont élevé cet art sacralisé à son apogée. Oeuvre de penseurs, d'artistes et de jardiniers expérimentés, le jardin était commandité par de hauts fonctionnaires lettrés ou de riches familles de marchands. Cet espace privé, réservé à l’élite, devait témoigner de l’excellence du propriétaire, de sa richesse et de sa puissance. Aujourd’hui, les jardins de la Chine impériale sont ouverts à la promenade et à la découverte de l’époque des mandarins.

Selon le principe complémentaire du Yin et du Yang, le jardin se compose de pavillons et d'éléments naturels, minéraux ou végétaux, disposés en un plan libre et original. L'eau et la montagne en sont les éléments primordiaux. 

Le pavillon de calligraphie, magnifiquement meublé d’une table de travail et de sièges en bois de fer y est remarquable car il est destiné au maître des lieux, un érudit. Couvert d’une toiture retroussée vers le ciel, il se situe au cœur du jardin. Selon les saisons, il se ferme à l'aide de grilles de bois finement ciselées qui tamisent la lumière crue des brumes ou du soleil.

Plus loin, des galeries couvertes longent des pièces d’eau vertes et calmes, peuplées de carpes multicolores, poissons ornementaux, symboles de longévité. D’autres pavillons disposés harmonieusement selon différents thèmes sont destinés à l’observation de la nature, à la contemplation. Les portes en lune et les ponts de pierre poétisent l’ensemble.

La part végétale du jardin est particulièrement élaborée. Elle comprend une multitude de variétés et de spécimens sélectionnés pour la beauté des feuilles ou des fleurs qui, selon les saisons, donnent au paysage une nouvelle dimension. Rien n'est laissé au hasard de la croissance naturelle.  Les arbres sont taillés, sculptés, épilés, les plantes martyrisées, réduites à des formes étranges et singulières qui se profilent au gré des sentiers tortueux, des perspectives recherchées ou des points de vue étudiés. Les conifères, qui y dominent largement, sont les suppléants de ceux qui, dans les Huang Shan ou Montagnes jaunes, s’agrippent aux versants abrupts et vertigineux de ce paysage du centre de la Chine.

Les rochers, éléments minéraux qui abondent dans le jardin sont des sculptures naturelles et précieuses dressées parmi les arbres sur des socles de rhododendrons nains ou de genévriers rampants. Choisis pour l'étrangeté des formes, la qualité de la roche et la beauté de la couleur, ils symbolisent la montagne dans toute sa splendeur. 

Le jardin chinois, paysage traditionnel idéalisé et sophistiqué à l’extrême, est le lieu privilégié de la contemplation d’une nature recomposée, qui telle une œuvre d’art, a un charme incontestable pour le visiteur. Dans cet espace clos et protégé par des dragons, il n’est offert au regard que des visions ponctuelles et éphémères. Comme une peinture sur rouleau de papier ou de soie, il se déroule au gré du cheminement et ne se révèle vraiment qu’à la  fin du parcours.

 

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