Camille Mondon
Saké
Vous avez dit Saké ! Mais de quoi parlez-vous au juste ? Sans doute de cet alcool fort et transparent servi en petits godets dans les restaurants japonais ou de ce vin de table chaud qui monte à la tête. C'est au Japon que j'ai découvert ce que l'on nomme communément chez nous le Saké, appelé Nihonshu par les Japonais pour le distinguer de toutes les autres boissons alcoolisées. Ce n'est pas un vin, mais une bière faite à partir d'un riz sélectionné, étuvé et fermenté sous l'action d'un champignon microscopique appelé Koji. De la qualité du riz, de son polissage, de la proportion d'eau et de levure, des savoir-faire traditionnels résultent un nombre extraordinaire de boissons plus ou moins alcoolisées qui se distinguent par le goût, l'aspect et la manière particulière d'être consommées. Chaque île, chaque territoire produit un Nihoushu original et incomparable, décliné en plusieurs catégories selon qu'il est filtré ou non, cru ou pasteurisé, raffiné ou brut. Il existe des grands crus comme pour les vins.
Mon préféré pour un repas rustique était le Nigorizake, trouble, blanc et douceâtre, peu alcoolisé, servi dans un joli bol de terre cuite émaillée. Pour accompagner les tempuras de crevettes et de légumes, j'aimais le Namasake à la saveur piquante, servi très frais dans une carafe de verre comprenant une bulle destinée aux glaçons. À l’occasion d'autres repas, j'ai découvert une étrange façon de consommer un standard de table de qualité à 14° d'alcool. Il était servi chaud dans un verre placé à l’intérieur d’une boîte cubique en laque. Agenouillée devant la table basse, je regardais curieusement le saké couler et remplir le verre jusqu'à ce qu'il déborde de sorte que les deux contenants soient pleins à ras bord. Ne sachant ensuite comment atteindre le breuvage, j'ai dans un premier temps lapé le liquide contenu dans le verre en m'approchant un peu d’un geste inélégant. J'ai ensuite compris qu'il suffisait de lever le verre avec précaution et de boire à petites gorgées pour peu à peu accéder au contenu de la boîte, et bien sûr, de boire en saisissant la boîte laquée. Une telle expérience de concentration en deux temps m'a fait oublier le thème d’un repas délicieux.