CLEANTE ANGELIQUE CLEANTE ANGELIQUE ARGAN se lève. ANGELIQUE, épouvantée. ARGAN ANGELIQUE CLEANTE se jette à genou. BERALDE TOINETTE ARGAN
CLEANTE BERALDE TOINETTE ARGAN BERALDE ARGAN BERALDE ARGAN BERALDE TOINETTE CLEANTE BERALDE ARGAN BERALDE ARGAN BERALDE ARGAN BERALDE ARGAN CLEANTE TOINETTE BERALDE ANGELIQUE BERALDE CLEANTE, à Angélique. ANGELIQUE
Le Malade imaginaire
Acte III
Scène 14 - CLEANTE, ANGELIQUE, ARGAN
TOINETTE, BERALDE
Qu'avez-vous donc, belle Angélique? et quel malheur pleurez-vous?
Hélas! je pleure tout ce que dans la vie je pouvais perdre de plus cher et de plus précieux: je pleure la mort de mon père.
O ciel! quel accident! quel coup inopiné! Hélas! après la demande que j'avais conjuré votre oncle de lui faire pour moi, je venais me présenter à lui, et tâcher, par mes respects et par mes prières, de disposer son coeur à vous accorder à mes voeux.
Ah! Cléante, ne parlons plus de rien. Laissons là toutes les pensées du mariage. Après la perte de mon père, je ne veux plus être du monde, et j'y renonce pour jamais. Oui, mon père, si j'ai résisté tantôt à vos volontés, je veux suivre du moins une de vos intentions, et réparer par là le chagrin que je m'accuse de vous avoir donné. Souffrez, mon père, que je vous en donne ici ma parole, et que je vous embrasse pour vous témoigner mon ressentiment.
Ah! ma fille!
Ahi!
Viens. N'aie point de peur, je ne suis pas mort. Va, tu es mon vrai sang, ma véritable fille; et je suis ravi d'avoir vu ton bon naturel.
Ah! quelle surprise agréable! Mon père, puisque, par un bonheur extrême, le ciel vous redonne à mes voeux, souffrez qu'ici je me jette à vos pieds, pour vous supplier d'une chose. Si vous n'êtes pas favorable au penchant de mon coeur, si vous me refusez Cléante pour époux, je vous conjure au moins de ne me point forcer d'en épouser un autre. C'est toute la grâce que je vous demande.
Eh! monsieur, laissez-vous toucher à ses prières et aux miennes, et ne vous montrez point contraire aux mutuels empressements d'une si belle inclination.
Mon frère, pouvez-vous tenir là contre?
Monsieur, serez-vous insensible à tant d'amour?
Qu'il se fasse médecin, je consens au mariage. (A Cléante.) Oui, faites-vous médecin, je vous donne ma fille.
Très volontiers, monsieur. S'il ne tient qu'à cela pour être votre gendre, je me ferai médecin, apothicaire même si vous voulez. Ce n'est pas une affaire que cela, et je ferais bien d'autres choses pour obtenir la belle Angélique.
Mais, mon frère, il me vient une pensée. Faites-vous médecin vous-même. La commodité sera encore plus grande, d'avoir en vous tout ce qu'il vous faut.
Cela est vrai. Voilà le vrai moyen de vous guérir bientôt; et il n'y a point de maladie si osée que de se jouer à la personne d'un médecin.
Je pense, mon frère, que vous vous moquez de moi. Est-ce que je suis en âge d'étudier?
Bon, étudier! Vous êtes assez savant; et il y en a beaucoup parmi eux qui ne sont pas plus habiles que vous.
Mais il faut savoir bien parler latin, connaître les maladies et les remèdes qu'il y faut faire.
En recevant la robe et le bonnet de médecin, vous apprendrez tout cela; et vous serez après plus habile que vous ne voudrez.
Quoi! l'on sait discourir sur les maladies quand on a cet habit-là?
Oui. L'on n'a qu'à parler avec une robe et un bonnet, tout galimatias devient savant, et toute sottise devient raison.
Tenez, monsieur, quand il n'y aurait que votre barbe, c'est déjà beaucoup; et la barbe fait plus de la moitié d'un médecin.
En tout cas, je suis prêt à tout.
Voulez-vous que l'affaire se fasse tout à l'heure?
Comment, tout à l'heure?
Oui, et dans votre maison.
Dans ma maison?
Oui. Je connais une Faculté de mes amies, qui viendra tout à l'heure en faire la cérémonie dans votre salle. Cela ne vous coûtera rien.
Mais moi, que dire? que répondre?
On vous instruira en deux mots, et l'on vous donnera par écrit ce que vous devez dire. Allez-vous-en vous mettre en habit décent. Je vais les envoyer quérir.
Allons, voyons cela.
Que voulez-vous dire? et qu'entendez-vous avec cette Faculté de vos amies?
Quel est votre dessein?
De vous divertir un peu ce soir. Les comédiens ont fait un petit intermède de la réception d'un médecin, avec des danses et de la musique; je veux que nous en prenions ensemble le divertissement, et que mon frère y fasse le premier personnage.
Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père.
Mais, ma nièce, ce n'est pas tant le jouer que s'accommoder à ses fantaisies. Tout ceci n'est qu'entre nous. Nous y pouvons aussi prendre chacun un personnage, et nous donner ainsi la comédie les uns aux autres. Le carnaval autorise cela. Allons vite préparer toutes choses.
Y consentez-vous?
Oui, puisque mon oncle nous conduit.