Polichinelle, dans la nuit, vient pour donner une sérénade à sa maîtresse. Il est interrompu d'abord par des violons, contre lesquels il se met en colère, et ensuite par le guet, composé de musiciens et de danseurs.
POLICHINELLE
Frà la speranza
Notte e dî v'amo e v'adoro:
Se non dormite,
Notte e dî v'amo e v'adoro:
Une vieille se présente à la fenêtre, et répond au seigneur Polichinelle en se moquant de lui.
Zerbinetti, ch' ong' hor con finti sguardi,
Oh! quanto è pazza colei che vi crede!
Quei sguardi languidi
Oh! quanto è pazza colei che vi crede!
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
POLICHINELLE
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
Violons.
ARCHERS, passant dans la rue, accourent au bruit
qu'ils entendent et demandent en chantant:
POLICHINELLE, bas.
L'ARCHER
POLICHINELLE, épouvanté.
L'ARCHER
POLICHINELLE
L'ARCHER
POLICHINELLE
L'ARCHER
POLICHINELLE, feignant d'être bien hardi.
L'ARCHER
ENTREE DE BALLET
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
Violons et danseurs.
(Ils tombent tous, et s'enfuient.)
POLICHINELLE, en se moquant.
(Les archers se rapprochent et, ayant entendu ce qu'il disait, ils le saisissent au collet.)
ARCHERS
(Tout le guet vient avec des lanternes.)
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
ENTREE DE BALLET
Les archers danseurs lui donnent des croquignoles en cadence.
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
ENTREE DE BALLET
Les archers danseurs lui donnent des coups de bâton en cadence.
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ARCHERS
POLICHINELLE
ENTREE DE BALLET
Ils dansent tous en réjouissance de l'argent qu'ils ont reçu.
Le Malade imaginaire
PREMIER INTERMEDE
O amour, amour, amour! Pauvre Polichinelle, quelle diable de fantaisie t'es-tu allé mettre dans la cervelle? A quoi t'amuses-tu, misérable insensé que tu es? Tu quittes le soin de ton négoce, et tu laisses aller tes affaires à l'abandon; tu ne manges plus, tu ne bois presque plus, tu perds le repos de la nuit; et tout cela, pour qui? Pour une dragonne, franche dragonne; une diablesse qui te rembarre et se moque de tout ce que tu peux lui dire. Mais il n'y a point à raisonner là-dessus. Tu le veux, amour: il faut être tout comme beaucoup d'autres. Cela n'est pas le mieux du monde à un homme de mon âge; mais qu'y faire? On n'est pas sage quand on veut; et les vieilles cervelles se démontent comme les jeunes. Je viens voir si je ne pourrai point adoucir ma tigresse par une sérénade. Il n'y a rien parfois qui soit si touchant qu'un amant qui vient chanter ses doléances aux gonds et aux verrous de la porte de sa maîtresse. Voici de quoi accompagner ma voix. O nuit! ô chère nuit! porte mes plaintes amoureuses jusque dans le lit de mon inflexible.
Cerco un sî per mio ristoro;
Ma se voi dite di nô,
Bella ingrata, io morirô.
S'afflige il cuore,
In lontananza
Consuma l'hore;
Si dolce inganno
Che mi figura
Breve l'affanno,
Ahi! troppo dura.
Cosi per tropp' amar languisco e muoro.
Cerco un sî per mio ristoro;
Ma se voi dite di nô,
Bella ingrata, io morirô.
Almen Pensate
Alle ferite
Ch'al cuor mi fate.
Deh! almen fingete,
Per mio conforto,
Se m'uccidete,
D'haver il torto:
Vostra pietà mi scemarà il martoro.
Cerco un sî per mio ristoro;
Ma se voi dite di nô,
Bella ingrata, io morirô.
Mentiti desiri,
Fallaci sospiri,
Accenti buggiardi,
Di fede vi pregiate,
Ah! che non m'ingannate.
Che già so per prova,
Ch' in voi non si trova
Costanza nè fede.
Non m'innamorano,
Quei sospir fervidi
Più non m'infiammano,
Vel giuro a fe.
Zerbino misero,
Del vostro piangere
Il mio cuor libero
Vuol sempre ridere;
Credet' a me
Che già so per prova,
Ch' in voi non si trova
Costanza nè fede.
POLICHINELLE
Quelle impertinente harmonie vient interrompre ici ma voix!
POLICHINELLE
Paix là! taisez-vous, violons! Laissez-moi me plaindre à mon aise des cruautés de mon inexorable.
POLICHINELLE
Taisez-vous, vous dis-je! c'est moi qui veux chanter.
POLICHINELLE
Paix donc!
POLICHINELLE
Ouais!
POLICHINELLE
Ahi!
POLICHINELLE
Est-ce pour rire?
POLICHINELLE
Ah! que de bruit!
POLICHINELLE
Le diable vous emporte!
POLICHINELLE
J'enrage!
POLICHINELLE
Vous ne vous tairez pas? Ah! Dieu soit loué.
POLICHINELLE
Encore!
Peste des violons!
POLICHINELLE
La sotte musique que voilà.
POLICHINELLE, chantant pour se moquer des violons.
La, la, la, la, la, la.
POLICHINELLE
La, la, la, la, la, la.
POLICHINELLE
La, la, la, la, la, la.
POLICHINELLE
La, la, la, la, la, la.
POLICHINELLE
La, la, la, la, la, la.
POLICHINELLE, avec un luth, dont il ne joue que des lèvres et de la langue en disant: Plin, tan, plan, etc.
Par ma foi, cela me divertit. Poursuivez, messieurs les violons; vous me ferez plaisir. Allons donc, continuez, je vous en prie. Voilà le moyen de les faire taire. La musique est accoutumée à ne point faire ce qu'on veut! Oh! sus, à nous. Avant que de chanter, il faut que je prélude un peu, et joue quelque pièce, afin de mieux prendre mon ton. Plan, plan, plan, plin, plin, plin. Voilà un temps fâcheux pour mettre un luth d'accord. Plin, plin, plin. Plin, tan, plan. Plin, plin. Les cordes ne tiennent point par ce temps-là. Plin, plan. J'entends du bruit. Mettons mon luth contre la porte.
Qui va là? qui va là?
Qui diable est-ce là? Est-ce que c'est la mode de parler en musique?
Qui va là? qui va là? qui va là?
Moi, moi, moi.
Qui va là? qui va là? vous dis-je.
Moi, moi, vous dis-je.
Et qui toi? et qui toi?
Moi, moi, moi, moi, moi, moi.
Dis ton nom, dis ton nom, sans davantage attendre.
Mon nom est: Va te faire pendre!
Ici, camarades, ici.
Saisissons l'insolent qui nous répond ainsi.
Tout le guet vient qui cherche Polichinelle dans la nuit.
POLICHINELLE
Qui va là?
POLICHINELLE
Qui sont les coquins que j'entends?
POLICHINELLE
Euh!
POLICHINELLE
Holà! mes laquais, mes gens!
POLICHINELLE
Par la mort!
POLICHINELLE
Par le sang!
POLICHINELLE
J'en jetterai par terre!
POLICHINELLE
Champagne! Poitevin! Picard! Basque! Breton!
POLICHINELLE
Donnez-moi mon mousqueton...
POLICHINELLE, faisant semblant de tirer un coup de pistolet.
Poue!
Ah! ah! ah! ah! comme je leur ai donné l'épouvante! Voilà de sottes gens, d'avoir peur de moi, qui ai peur des autres! Ma foi, il n'est que de jouer d'adresse en ce monde. Si je n'avais tranché du grand seigneur et n'avais fait le brave, ils n'auraient pas manqué de me happer. Ah! ah! ah!
Nous le tenons. A nous, camarades, à nous!
Dépêchez; de la lumière.
Ah! traître, ah! fripon! c'est donc vous?
Faquin, maraud, pendard, impudent, téméraire,
Insolent, effronté, coquin, filou, voleur,
Vous osez nous faire peur!
Messieurs, c'est que j'étais ivre.
Non, non, non, point de raison;
Il faut vous apprendre à vivre.
En prison, vite en prison.
Messieurs, je ne suis point voleur.
En prison!
Je suis un bourgeois de la ville.
En prison!
Qu'ai-je fait?
En prison, vite, en prison!
Messieurs, laissezmoi aller.
Non.
Je vous prie!
Non.
Eh!
Non.
De grâce!
Non, non.
Messieurs!
Non, non, non.
S'il vous plaît.
Non, non.
Par charité!
Non, non.
Au nom du ciel!
Non, non.
Miséricorde!
Non, non, non, point de raison;
Il faut vous apprendre à vivre.
En prison, vite en prison.
Eh! n'est-il rien, messieurs, qui soit capable d'attendrir vos coeurs.
Il est aisé de nous toucher;
Et nous sommes humains, plus qu'on ne saurait croire.
Donnez-nous seulement six pistoles pour boire,
Nous allons vous lâcher.
Hélas! messieurs, je vous assure que je n'ai pas un sol sur moi.
Au défaut de six pistoles,
Choisissez donc, sans façon,
D'avoir trente croquignoles,
Ou douze coups de bâton.
Si c'est une nécessité, et qu'il faille en passer par là, je choisis les croquignoles.
Allons, préparez-vous,
Et comptez bien les coups.
Un et deux, trois et quatre, cinq et six, sept et huit, neuf et dix, onze et douze, et treize, et quatorze, et quinze.
Ah! ah! vous en voulez passer!
Allons, c'est à recommencer.
Ah! messieurs, ma pauvre tête n'en peut plus; et vous venez de me la rendre comme une pomme cuite. J'aime mieux encore les coups de bâton que de recommencer.
Soit, puisque le bâton est pour vous plus charmant,
Vous aurez contentement.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six. Ah! ah! ah! je n'y saurais plus résister. Tenez, messieurs, voilà six pistoles que je vous donne.
Ah! l'honnête homme! Ah! l'âme noble et belle! Adieu, seigneur; adieu, seigneur Polichinelle.
Messieurs, je vous donne le bonsoir.
Adieu, seigneur; adieu, seigneur Polichinelle.
Votre serviteur.
Adieu, seigneur; adieu, seigneur Polichinelle.
Très humble valet.
Adieu, seigneur; adieu, seigneur Polichinelle.
Jusqu'au revoir.