Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage. Du temps de nos pères,
des Blancs descendirent dans cette île; on leur dit: "Voilà
des terres; que vos femmes les cultivent. Soyez justes, soyez bons, et devenez
nos frères."
Les Blancs promirent, et cependant ils faisaient des retranchements. Un
fort menaçant s'éleva; le tonnerre fut renfermé dans
des bouches d'airain; leurs prêtres voulurent nous donner un Dieu
que nous ne connaissons pas; ils parlèrent enfin d'obéissance
et d'esclavage: plutôt la mort! Le carnage fut long et terrible; mais,
malgré la foudre qu'ils vomissaient, et qui écrasait des armées
entières, ils furent tous exterminés. Méfiez-vous des
Blancs.
Nous avons vu de nouveaux tyrans, plus forts et plus nombreux, planter leur
pavillon sur le rivage: le ciel a combattu pour nous. Il a fait tomber sur
eux les pluies, les tempêtes et les vents empoisonnés. Ils
ne sont plus, et nous vivons, et nous vivons libres. Méfiez-vous
des Blancs, habitants du rivage.
Evariste Parny
Méfiez-vous des blancs
Chanson madécasse (1787)