L'Oubliette
Projet de construction d'un livre
Il y a plus de quatre ans, j'ai lu dans le Monde l'interview d'un policier algérien, pris dans la guerre civile, qui avait réussi à s'enfuir à Paris. Le jeune homme racontait comment, en fin de compte, on ne savait plus qui tuait qui et pourquoi, dans les rues de la capitale. Il donnait des détails terrifiants de la confusion, entretenue, qui régnait dans le pays. L'article était réellement construit de telle manière que lorsque j'ai fini la première lecture, j'ai aussitôt pensé que je pouvais en tirer un roman. J'ai laissé tomber l'idée pendant plusieurs années, bien qu'elle soit toujours restée présente dans mon esprit. Arrivé à l'université de Swarthmore le 24 août 1998, la première chose que j'ai faite a été de commencer l'écriture de ce livre. L'histoire d'un policier qui a de graves soucis avec sa femme. Il a deux enfants. Il est prisonnier d'une situation. Il lui faut faire des choix. Rester, près de ses deux filles, au risque de se faire assassiner par les terroristes, ou s'enfuir de l'autre côté. Passer le cap. Aller plus loin. Continuer. Continuer. Je crois qu'il va continuer la vie.
Azouz Begag
Swarthmore, le 11 décembre 1998.
Page 87
Extrait de la page 87
Transcription de l'extrait page 87- "C'est drôle, a dit une voix derrière moi. Je m'appelle Amar".J'ai virevolté. Je ne voyais rien- J'apercevais seulement les feux follets de la ville en arrière plan. C'était une illusion d'oreille. Je ne craignais pas les voix venues d'outre-tombe. J'ai dit "La plage est assez grande, non- Tu peux aller parler ailleurs" et je me suis retourné aussi sec.
- "J'étais là avant toi, jeune homme" a protesté la voix.
J'ai virevolté à nouveau. Moins nerveusement.
- "On ne largue pas les Amar comme ça, surtout quand ils étaient là avant tout le monde" a poursuivi l'homme. Il riait tranquillement.
J'ai scruté attentivement le sable. J'ai vu une forme. Plus noire que le noir du sable et de la nuit. Allongée comme une sauterelle, les coudes plantés dans le sol.
Swarthmore, décembre 1998.
Copyright © 1998 Azouz Begag