"J'ai trente-deux ans. J'ai donc mis trente-deux ans pour écrire ces quelques phrases. C'est beaucoup pour si peu. Pour si peu de matière. Et pourtant je leur trouve un goût d'inachevé. A chaque fois que j'en relis une, il me vient l'envie de la transformer, de la compléter, de l'amputer. De la supprimer.
Aujourd'hui elles sont publiées en ligne. Elles me quittent. Je les laisse à tous ceux pour qui le rien veut dire quelque chose." Pierre-Yves Millot
Le
temps
sera
toujours
ce
qu'il
a
toujours
été.
LE TEMPS
Lorsque je fouille
dans mes souvenirs, je revois
la caverne où vivait ma tribu
il y a
quelques
centaines de milliers d'années,
et je me dis
d'une part
que
le temps passe vite
et d'autre part
que
ma mémoire n'est pas si mauvaise.
Dieu existe car Dieu
est
ce qui n'existe pas.La vie
est une suite de malentendus.
A commencer par
Dieu.Gardons nos haines pour Dieu,
et nos compassions pour nous-mêmes.
Lui s'en tirera toujours à bon compte.
Comment
croire
en
Dieu
lorsqu'on
ne
croit
même
pas
en
soi-même?DIEU
L'HOMME
L'Individu
est la seule
personne
que j'aime
à côtoyer. Nous sommes tous différents
et tous semblables; et je suis
entièrement d'accord avec celui qui
prétendra le contraire.
Entre un être humain
et un caillou,
je ne vois guère plus de différence
qu'entre une grenouille
et un crapaud.
Rousseau disait: l'homme est naturellement bon.
Il aurait dû se contenter de: l'homme est naturel;
Voire l'homme est Nature. Et encore...
Entre l'homme et la Nature,
j'enlève volontiers le mot "est".
Finalement Rousseau aurait été mieux avisé
de s'abstenir de dire quoi que ce soit.
Comme tous les autres d'ailleurs.
LA MORTLorsque je ne pense pas à la mortj'ai l'impression de perdre mon temps. |
J'aime tellement la mort que je mourrais volontiers plusieurs fois.
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Même au dernier moment je ne pourrai croire à ma propre mort; et j'aurai raison! |
J'attends la fin du monde avec impatience. C'est imminent: plus que quelques millions d'années. |
La vie est une erreur. La mort est un contre-sens. | La mort n'arrive qu'aux autres. Comme j'aimerais être un autre pour m'en assurer! |
Le | souvenir | de | ma | future | mort | m'amuse | ou | m'effraie; | c'est | selon. |
Quelle tristesse tristesse tristesse tristesse tristesse tristesse de ne pouvoir pouvoir pouvoir pouvoir pouvoir réussir réussir réussir réussir réussir son suicide qu'une une une une une une une une seule fois! |
A la base de tout: le ver de terre qui rongera nos cadavres. |
Parmi tous les gens qui sont morts, y en a-t-il un
qui se souviendra
de moi?
Qui a dit que la solitude était pesante?
Sans doute quelqu'un qui n'avait pas encore été broyé.
LE SENSSi les mots n'existaient pas,j'aurais soin de ne pas donner à mes grognements la moindre signification.
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Je ne vois guère que le non-sens pour donner un sens à ma vie.
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Ma religion: l'absurde. Les autres n'ont pas de sens. |
LA REALITESiles apparences sont trompeuses, que dire de la réalité!
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Je n'arrive à entrevoir la réalité que dans le vague des incertitudes.
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L'ENNUIL'ennui est ma distractionpréférée. |
S'ennuyer, c'est ne pas ennuyer les autres. |
Tout n'a pas encore été dit. Quel ennui! |
LA PENSEEJeme trompe lorsque je pense. |
Le penseur authentique: celui qui n'a rien écrit, ni même exprimé. L'activité des autres relève de la prostitution.
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Penser toute une vie pour en arriver là...
"Artiste": le seul fait d'entendre ce mot me donne envie de vomir. |
LES ARTISTESEntre ma concierge et Léonard de Vinci,la différence est si minime que j'en viens parfois à croire que c'est ce dernier qui m'apporte le courrier chaque matin.
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L'INFINIces infinis... | ça me fatigue. |
Il faut laisser les moments d'abandon aux professionnels du désespoir, | LE DESESPOIR
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Rien n'est inexplicable à part... tout.
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LE RIENRienn'est négligeable, même le "Rien". Ou alors... Non! Tout est négligeable, même le "Tout". Quoique... Mettons qu' il n'y a de négligeable que le négligeable et restons-en là!
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A force de ne rien chercher, je finirai bien par arriver nulle part.
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Finalement il n'y a pas tant d'espace entre l'infiniment petit et l'infiniment grand... juste un Rien infini.
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Je ne vois pas de meilleure chose à faire que rien. Mais ne rien faire demande de la témérité.
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A l'origine de tout, je ne vois rien qui puisse être.
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Il n'y a rien à attendre de tout; il y a tout à attendre de rien. |
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Qui est donc ce prétendu RIEN qui nous poursuit impunément et nous encercle insolemment? |
Celui qui a inventé le |
z é r o aurait mieux fait de penser à rien ce jour-là. |
Rendons à l'insignifiant l'importance qu'il mérite.
l'infiniment petit pour ressentir les joies de l'insignifiance.
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Etre ou ne pas être? Quelle prétention! Disons plus humblement: Rien ou quelque chose? Et encore... le seul fait de poser cette question me semble bien audacieux; et même de poser une question quelle qu'elle soit. |
Lorsqu'on |
Les phrases sont trop longues. Que ne puisse-t-on tout dire en un seul mot! "Rien" suffirait-il?...
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Je renvoie ceux qui trouveraient pessimistes certains de ces aphorismes à cette citation de Julien Torma:
"Pour l'optimiste tout est bien: font partie de l'harmonie tous ces désordres, stupidités et insignifiances. Quel pessimiste! Pour le pessimiste tout devrait être beaucoup mieux: il semble croire qu'on puisse concevoir l'univers autrement qu'absurde et l'homme autrement que médiocre. Quel optimiste!"