Pierre-Yves Millot
A l'ombre des termitières, plaisanterie dictyoptériste (1996)
Cette pièce, dont voici un extrait, sera jouée le lundi 6 mai à Paris.
(Salle Jean-Dame, 17 rue Léopold Bellan, 2ème: 20 h.)
La mise en scène est de Thierry Bois.
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LUCIEN, il tend soudain l'oreille comme s'il avait entendu quelque chose
Arrêtez! Vous avez entendu! Ecoutez!VLADI
Je n'entends rien.LUCIEN
Vous n'avez pas entendu! Vous ne L'avez pas entendu! Ecoutez encore!VLADI
Rien à faire...LUCIEN
Décrassez-vous les oreilles!VLADI, après s'être gratté les oreilles
Je n'entends toujours rien.LUCIEN
C'est lui!VLADI
Qui, lui?LUCIEN
Il arrive!VLADI
Qui arrive?LUCIEN
Je reconnais son souffle discernable entre mille.VLADI
Je suis donc sourd.LUCIEN
Le roi des oligonyx, l'empereur des prophalangopsis, le tsar des ectobius, le plus grand des plus grands, ...VLADI, rajustant sa tenue
C'est...?LUCIEN
Le cafardus orthopteris africanis!VLADI
Le cafardus othopteris afric...LUCIEN
Mettons-nous à genoux! Et recueillons-nous un instant.Ils se mettent tous deux à genoux. La lumière doit baisser. On entendra éventuellement une musique de fond.
LUCIEN, chantant sur l'air d'un cantique
Ca-far-dus or-thop-teris a-fri-ca-nis Amen!Après un signe de Lucien, Vladi reprend avec Lucien les paroles du cantique. Puis ils se relèvent.
LUCIEN
Le cafardus othoptéris africanis, le roi des orthiptères, espèce rarissime qu'on ne rencontre que dans les savanes de l'Afrique Occidentale! Pendant des années, je l'ai guetté sur la rive ouest du fleuve Ogooué, entre Koulamoutou et Tchibanga. Il y avait là Fougerolle, HSD, et Loctra, et nous passions d'interminables journées dans la moiteur équatoriale, à l'ombre des termitières géantes, espérant l'apparition improbable du cafardus orthopteris africasensis... des journées et des journées aux aguets, à l'ombre des termitières géantes. Et soudain, après des mois et des mois d'attente, alors que plus rien ne le laissait espérer, IL apparut, dans toute sa splendeur; ses élytres bleutées scintillaient comme des nénuphars, ses cerques étoilés se dépliaient et se repliaient avec une précision mécanique, ses antennes géantes oscillaient au moindre souffle de vent, et tout son corps se déplaçait presque imperceptiblement parmi les cryptogames vasculaires. Et soudain, il nous vit! Nous étions à dix mètres de lui, immobiles, fascinés par l'insecte. C'est alors qu'il se dressa sur ses pattes de derrière et qu'il parla...VLADI
Il parla! le cafard!LUCIEN
Il parla.VLADI
Et que dit-il?LUCIEN, il semble chercher dans sa mémoire
Je ne sais plus. Après il y a eu cet accident et...VLADI
Quel accident?LUCIEN
Un banal accident, une glissade, quelques tonneaux, les passagers éjectés, la voiture dans le fossé, quelques égratignures et la mémoire... la mémoire qui est partie dans le fossé avec la voiture, les souvenirs qui se confondent avec les rêves, les choses que je ne comprends plus, cet inextricable tourbillon où je me perds...
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