souffles
numéros 10 et 11, 2e et 3e trimestre 1968

abdelkader lagtaâ : âayta (extraits)
pp.  34-37

 

petit j'avais un doigt aux ongles nazaréens 
j'y ai mis un fusil
                pour vivre mieux à la clairière 
et j'ai eu l'ellipse dans le temps 
en érosion
porte son séisme dans la baie pour abriter 
les algues de l'eau crépitante
                              sismographe
chant brisé et les pavés 
chant brisé fait son manifeste
                               sur la roche solaire 
sismographe tinte 
paille sismographe en achève fusil 
et braise
        et palais go home
                         se décave
allées venues s'enlacent

casablanca porte sa cravate auschwitz à petits pois blancs 
sur ce printemps séisme aux béquilles
                                     1965 à califourchon
on y vit de balles multicolores et de pattes
                                            lacrymogènes 
printemps sans joie 
je t'ai offert la gazelle en semences 
printemps sans joie 
je t'ai consacré idiome engueulatif
                                   en ignition 
tu ne me ressuscites que pour tes androïdes 
printemps sans joie
lorsque mes flammes créèrent des noualas autonomes
                                           tu es revenu ignivore
                                           sur ma kasbah illicite
printemps sans joie
deux mains décharnent l'asphalte et tissent ses poils
                                              quenouilles de cendres
deux mains à l'heure
m'enlacent au fond de la ruelle était rumeur
la ruelle charnelle
                   fit une harira de squelettes et de moëlle
                   j'appelle et j'attends mon cri dans ces
                                                  planches somnifères
se dépoilent et le terme goutte
et nu jusqu'aux nuées nombril y cultive
                                      ses eaux claires sur le pont
nu jusqu'à l'amour crache crevel crève l'amour fait tache
                                                   non-recevoir
dans notre ville inchoative avant le mot 
la ville tout
on y grave l'asphalte sur le mot connais pas 
d'ongles
        de rétines
                  et de plaques
                                mortuaires 
vaché l'ennui de durer cette vidée putain de vie 
vaché marque déposée étable de barricades sans débit 
nous avons renversé les chaises immobiles gueulé le thé les nuitées 
nubiles se procurent des clous pour le hamada à localiser pour y
introduire le pacifique avatar dans le temps y est cloison

draa puerpéral
la file déchire le haïk à toucher la phalène émeraude 
dans tes haleines chaudes
lorsque perd la ville de bronze me mets les yeux en berne
je dis draa
mots coagulés et planning familial imbu de roses toxiques aux
                                              mouches d'aliénation
lorsqu'on creuse mes mains
                          sous l'ombre
je dis draa
lorsqu'on sculpte un viol pour mon hamri
                               qui se fait ombre sur mes omoplates
lorsqu'on me coupe l'océan
                          au fond des doigts
draa chante pour moi
grand draa coule ton lait-saxifrage parmi les dattes
                                                    et le simoun
draa debout
désosser ces amas de sable prolifèrent derrière le jour
sable cinéraire
               astygmate
tu colportes ton image pour la soif
                                   sédentaire
vent qui incinère la ville sans parole 
vent qui incinère le désert aux cheveux longs
vent qui incinère le simoun
                           j'y souffle dans mon fond
et ces nazaréens d'aloi plus bas encore
fongibles    langues imbues de pieds à lécher puis de terre aride
             crachats suinter ces cadavres ophidiens dans
                                               l'odeur du jour aviné
mamelles de boue et de
                  rouille
vous sentez ce mot tombée fine 
lorsqu'on vomit
vous ne faites que décalquer
                           puis la nausée agonise puis avatar 
rampez que mes semelles s'essoufflent de vos souffles 
je dis alors canicule
                    comme l'écho aux pages après la flamine 
                    le soleil nocturne à happer
                                        comme le sable aux alentours

j'invoque l'oued ondule
                    m'y invoque avant de me perdre à dessabler ces
désentrelaceurs évident dans draa tu m'es ciliaire jusqu'à moi je te 
l'offre à pleines entrailles
draa en laves et cette pierre solaire qui traverse le pont
                                          j'y ai mes pas et les miens 
                                          tu y as tes pas et les tiens
draa en laves je m'y lave pour t'enlacer avalanche 
tu te perds dans mes doigts
                     dilatoires
je te sens doigt qu'on peint de chaises électriques
                                                    et d'arcs-en-terre
un frisson unisson et la terre tombe
                            la forêt lui tend les bras criblés de désir 
                                                           et de fleurs 
tu m'ombres de plus en plus tu n'as plus d'ombre
                                               dans tes pores 
le jour la nuit nous lâchent pérennes
parce que les choses perdent leurs noms derrière les fongibités des 
manuels dévore affamé toutes ces armes d'acculturation et prends qui 
veut peut avant que la liste des statistiques ne soit close 
sur la grande place on élève l'exotérique
                             en hibernation
                             d'obélisques pour la rouille en surface 
et cette fillette qui perd le ciel entre ses seins
                             pour devenir une race non pas celle de 
moulay brahim oiseau des montagnes moulay bouchaib donneur 
d'enfants sous l'autre qui fait tourner le soleil tourne autour de la 
terre rouge de moulay bouazza 
et cette fillette qui fait l'amour entre ses doigts
                                                dont le spectre du prince 
de la princesse et ce lierre leurre généalogique de moulay bousbir 
statistique à lui seul 
                   comme le simoun à toute généalogie ophidienne
                   on y construit un bidon-mosquée
et ces seins qui sombrent jusqu'aux échos
                               bousbir manabboula tangible le sang
                               arme blanche coagule arabe fantasia
                               sang de moussem sent
                                               une tumeur scalpe
pour vous dire encore un mot scalpe
je n'écris pas pour penser
je me lève pour exterminer ces ondes qui moisissent dans ces
                                               carcasses itératives
inamovile
se dressent mes jambes se font des doigts et des puits
sur l'océan regarde-moi je suis mort depuis
                                    mes mots dans le Pays de la rouille
ressuscitent mes mains et mes ponts
je ne t'offre pas ma pêche
                         elle est canicule et puis j'y tiens
                                                     maquis itinérant

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