Abdellatif Laâbi
En vain j'émigre
J'émigre en vain
Dans chaque ville je vois le même café
et me résigne au visage fermé du serveur
Les rires de mes voisins de table
taraudent la musique du soir
Une femme passe pour la dernière fois
En vain j'émigre
et m'assure de mon éloignement
Dans chaque ciel je retrouve un croissant de lune
et le silence têtu des étoiles
Je parle en dormant
un mélange de langues
et de cris d'animaux
La chambre où je suis né
J'émigre en vain
Le secret des oiseaux m'échappe
comme celui de cet aimant
qui affole à chaque étape
ma valiseIn l'Etreinte du monde.
Paris: La Différence, 1993.