souffles
numéro 3, troisième trimestre 1966

hamid el houadri : comme ça
traduit de l'arabe par abdellatif laâbi
pp. 18-19


où est passé le fou
les crocodiles rampaient près du cadavre d'un civil
chante muezzin
je suis analphabète
mon seul délit
est que je m'appelle Hamid
dans le brouillard
des prostituées dansent sur les victimes
je m'insurge contre le monde
contre les miens
l'homme de ma terre
la princesse ayant couché avec moi
gratis
à l'hôtel des convives
la chambre du prince
jouissant de ma démence
jusqu'à la strangulation de ce berbère
je fais mes ablutions dans les entrailles du destin
impur
comme d'habitude
le dégoût accroupi sur le cratère d'un volcan
(les barreaux de ma fenêtre sont rouillés
le soleil les a délaissés
et le souffle de la mer ne les a plus parfumés)
cette araignée chiait entre ciel et terre
ils l'ont reconduit à l'étable
l'âne qui refusait l'avoine
et le dieu de la ville a ramené les coffres dans ma grotte
le dirham le nouveau franc le dollar la peseta etc...
et même les soldats fous
je n'aimerai plus la princesse
qui a couché avec moi
je serai ou la victime

              ou le bourreau

comme la géhenne
la quarantaine se dressant dans l'aphasie de la nuit
elle n'était pas déguenillée
ni jolie... mes habits devant le temple
je suis génial
mon poing rugueux s'est abattu
sur le seuil du temple
nue
je la voudrai nue

le revolver
l'avion supersonique
la fusée... le feu
chante muezzin
je suis analphabète
et je reste seul
trébuchant comme un aveugle dans les marécages de mon esprit



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souffles octobre 1997
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