LEÏLA SEBBAR

Carnet de lecture – février 2007

 

8 février

A propos de Odette du Puigaudeau, Ibis Press. Mchouga-Maboul de Simon Elbaz. Voyage dans les Aurès, Notes d’un médecin envoyé en mission chez les femmes arabes, de Dorothée Chellier, 1895.

Une rue du quartier Mouffetard où je ne suis jamais allée. La rue des Patriarches dans le 5e arrondissement à Paris, comme une rue de petite ville. Je recherche un livre de Odette du Puigaudeau et Marion Sénones, des Carnets de voyages présentés par Monique Vérité : Mémoire du pays maure 1934-1940. Monique Vérité m’a donné l’adresse des éditions Ibis Press.

J’y suis. Une pièce comme une échoppe, des livres, des dossiers, des documents, deux éditeurs. Bernard Césari qui dirige Ibis Press et Rachid Aous que j’ai rencontré à « Dialogues, Juifs et Arabes en France » juste avant la guerre du Golfe, avec Jacques Hassoun et Robert Scemla, les plus proches des Palestiniens dans le groupe, Jacques et Robert sont morts. « Dialogues » n’existe plus. André Azoulay continue à conseiller le roi du Maroc. Je l’ai aperçu au Sélect il y a peu, je lui ai parlé de Juives d’Afrique du Nord, cartes postales, 1895-1930 (Bleu autour, 2005), l’a-t-il acheté et regardé à la librairie Tschann, boulevard Montparnasse de l’autre côté du boulevard Raspail, à 300 mètres du Sélect ? Je le saurai l’été prochain où il prendra un café à la terrasse de la brasserie ou au Maroc où j’irai un jour, ou jamais. Rachid Aous s’intéresse depuis longtemps à la musique arabo et maghrébo andalouse. Il a créé une maison d’édition de musique et de textes : Editions des Patriarches Dar al Uns. Il dirige une collection Œuvres Judéo-Arabes où Simon Elbaz publie : Mchouga-Maboul (Théâtre-conte Matrouz, 2006). « L’action se passe au Maroc autour d’un personnage typique, Mchouga, le fou du Mellah (quartier habité par des Juifs), fou du Maghreb, adopté par les trois communautés : juive, musulmane, chrétienne… L’adaptation française est rythmée de jeux de langues, de musiques, de danses. »

J’ai feuilleté le superbe livre Arts et coutumes des Maures de Odette du Puigaudeau (Ibis Press). Un document ethnographique unique avec plus de 500 dessins à la plume et Le henné art des femmes de Mauritanie de Aline Tauzin (Ibis Press), que j’ai rencontrée il y a une quinzaine d’années pour une série d’émissions à France-Culture sur les femmes ethnologues au Maghreb avec Fanny Colonna, Camille Lacoste-Dujardin, Germaine Tillion que j’ai retrouvée pour Mes Algéries en France (Bleu autour, 2004). Fanny participe au livre collectif Mon père (des récits inédits) que j’ai dirigé pour Bejha Traversac et Marie-Noël Arras qui poursuivent depuis plus de cinq ans avec Maïssa Bey, la publication de la revue Etoiles d’encre dont j’ai déjà parlé et Camille a écrit un texte sur la maison kabyle pour la revue JIM, le numéro La maison (Bleu autour) qui paraîtra à l’automne 2007.
Je reparlerai de Odette du Puigaudeau.

Je veux m’arrêter à une autre femme que Bernard Césari me fait découvrir dans le désordre, pour lui ordonné, de son échoppe. Elle s’appelle Dorothée Chellier. Née en Algérie, médecin, « Ancien aide d’anatomie à l’Ecole d’Alger », elle a rédigé un rapport très intéressant publié à Tizi Ouzou en 1895 à l’imprimerie Nouvelle J. Chellier : Voyage dans les Aurès, Notes d’un médecin envoyé en mission chez les femmes arabes.

Dorothée Chellier, comme le Gouverneur général de l’Algérie, Monsieur Cambon, s’intéresse à la question indigène. Elle ira donc en mission de mai à juin 1895 dans l’Aurès, côté femmes, pour « étudier les pratiques de l’accouchement, de l’avortement et la fréquence des maladies utérines » mais aussi pour « hâter l’œuvre d’assimilation des populations indigènes ». Avec l’aide d’interprètes, des femmes et des administrateurs et cheiks locaux, elle voyage à dos de mule, depuis Constantine, Batna, jusqu’à Biskra en passant par Cambèse, Arris… à travers des montagnes arides. La tebiba examine des patientes dans des villages qui n’ont jamais vu de femme médecin ni de Français. Femmes et enfants sont soignés lorsque les médicaments sont suffisants. Une femme peut examiner des femmes (les médecins chrétiens ou musulmans n’approchent pas les femmes musulmanes. On pense aux réactions de certains maris musulmans dans les hôpitaux publics français dans ces années 2000, agressant les hommes médecins qui touchaient leur femme pour un examen de santé).

Le seul hôpital dans lequel s’arrête Dorothée Chellier, se trouve à Arris, construit en 1893 par les Pères blancs. Dans les villages on aménage le café maure en salle de consultation, on dresse la tente de la tebiba. Elle note les maladies les plus répandues, la malaria, la syphilis, les pathologies oculaires. Elle rencontre celle qu’elle appelle « la reine de l’Aurès », une jeune et belle courtisane, mariée à 12 ans. Remariée plusieurs fois elle choisit le célibat et la prostitution (Isabelle Eberhardt a souvent parlé de ces femmes qui pour certaines, peu nombreuses, avaient fait le choix de cette « fille galante »).

Au cours de sa mission, Dorothée Chellier note les pratiques traditionnelles et les croyances concernant la grossesse et l’accouchement. La « matrone » se contente d’aider l’enfant à « sortir », tandis que la femme debout tire sur une corde attachée à un rondin de bois de la charpente. Si le placenta n’est pas expulsé naturellement, elle l’abandonne dans la cavité utérine. En cas d’hémorragie l’accouchée boit des infusions de racine de grenadier et on la protège avec des versets coraniques suspendus à son cou. Le fléau c’est la fièvre puerpérale qui a longtemps fait des ravages en France même (Louis-Ferdinand Céline en a fait le sujet de sa thèse de médecine). La mortalité infantile sévit partout dans les montagnes et les campagnes.

Quant à la pratique de l’avortement, D. Chellier la met en relation avec la pratique tolérée de la prostitution dans certains villages. Les Azrias, les « filles galantes », ont recours à l’avortement. Elles absorbent de la poudre à canon ou du sous-chlorure de mercure qu’elles achètent aux colporteurs kabyles. Beaucoup s’empoisonnent et meurent. Elles introduisent des graines de piment chauffé dans le vagin jusqu’à l’hémorragie, l’expulsion, parfois la mort. Elles absorbent aussi des infusions mortelles de laurier rose.

D. Chellier constate peu de maladies utérines. Elle attribue ce fait aux ablutions imposées par la religion : « la verge débarrassée des sécrétions, des souillures… n’apporte pas dans les voies génitales de la femme d’agents de contamination. »

Conclusions de ce rapport : former les matrones, instruire les filles, enseigner l’arabe aux femmes médecins, connaître mieux la vie intime indigène pour sauver femmes et enfants par la « science laïque » sans imposer « notre croyance », « notre religion ».

Le voyage d’étude a été ponctué de chants et de danses, signes, pour la tebiba, de la gratitude des populations, sensibles aux « bienfaits du progrès scientifique ».

N’a-t-on pas, de la même manière introduit « le progrès », les bienfaits de la modernité dans les campagnes françaises à la fin du 19e siècle par l’école, le dispensaire, le développement du réseau routier et ferroviaire ?

Je devais parler de Odette de Puigaudeau, une autre sorte d’aventurière. Je le fais bientôt.

 

15 février

Les aventures de Pirouli, le petit nègre, de Princesse V. Jadéjà, 1946.

Je relis un livre pour enfants que Fatiha Toumi me remet au Maghreb des livres (11-12 février à la Mairie du 13e arrondissement à Paris). La librairie La Parchemine¸ à Lyon me signale les livres qui concernent les anciennes colonies écrits pour la jeunesse, son édification, son plaisir aussi, parfois. Le 9 août 2005, à la bibliothèque L’heure Joyeuse à Paris, Françoise Lévêque qui m’aide dans ma recherche sauvage (sans méthode) me donne à lire un album pour les petits : Les aventures de Pirouli le petit nègre, de Princesse V. Jadéjà (éditions de l’Ecureuil, Paris, 1946).

Une cigogne dressée sur son nid, entre ses pattes rouges, un bébé noir sans bec avec bavoir blanc brodé. Des dessins simples, souvent comiques. La Bretagne, la vie d’une famille « de braves pêcheurs bretons », six enfants « tous roses et blonds, joyeux et bien portants ». Un matin, dans la cheminée, les enfants découvrent un bébé noir que la cigogne Trikotte a laissé glisser de son long bec durant sa migration.

 


On l'appelle Pirouli.

La maman bretonne l’adopte mais personne ne s’occupe de lui. Le père n’aime pas la couleur noire. Ses frères et sœurs lui tournent le dos, les animaux de la ferme se moquent de lui. Du haut du phare il appelle Trikotte au secours. « Pirouli avait beau mettre le costume breton, il ne se sentait pas comme les autres. »

Pirouli

Retour de Trikotte.

Pirouli s’envole avec la cigogne, la maman bretonne pleure à sa fenêtre.Le roi Kouci-Kouça adopte Pirouli. C’est la fête au village. « Pirouli qui n’oubliait pas ses parents, leur envoyait des fleurs par Trikotte. C’est depuis lors que l’on trouve en Bretagne des camélias et des mimosas. »Et si la cigogne avait oublié Pirouli ?

Plus tard, bien plus tard, il aurait été élu maire du village breton qui l’avait adopté.

Pirouli

 

16 février

Mots mêlés d’Algérie, de Elisabeth Trouche et Marion Chapel, ed. Marsa, 2007.

Les éditions Marsa de Marie Virolle publient un joli livre avec photos et textes à quatre mains : Mots mêlés d’Algérie de Elisabeth Trouche et Marion Chapel. Elisabeth est née en Algérie, elle vit à Besançon. Retour au pays natal en avril 2006. Oran, Sidi Bel Abbes, Alger. Ce qui reste de l’Algérie française de l’enfance, ce que Marion découvre de l’Algérie contemporaine. Un texte où se répondent les mots de mémoire et les mots de vie, désordre, turbulence et fantômes.


 

20 février

Balzac, Scènes de la vie privée.

Je relis des romans de Balzac. La grande affaire comme chez les romancières anglaises, George Eliot, Jane Austen, c’est le mariage. Enjeu d’alliances sociales, politiques et financières, dans les sociétés où la femme a les droits qu’on veut bien lui accorder, comme fille de, épouse de, mère de filles à éduquer pour perpétuer la norme sociale, instruites sans être savantes, initiées aux manières du monde sans être des coquettes et sans chercher à briller, élevées pour le meilleur mariage, la meilleure « position », l’honneur de la famille et du clan. Soumises à ces règles strictes, les jeunes filles du monde aristocratique et bourgeois n’en pensent pas moins à l’amour. Avec le mariage, l’amour les occupe tout entières. Si l’amour ne s’accorde pas au mariage, si l’amour est irrégulier, illicite, l’amante plus que l’amant mérite châtiment, une jeune fille qui aime hors de sa classe, hors des devoirs sociaux que lui imposent la religion et la famille est une « fille perdue ». On entend aujourd’hui ces échos dans les sociétés qui obéissent à un système patriarcal en vigueur dans les pays musulmans, où le mariage n’est pas l’affaire de l’individu, fils ou fille.

Balzac, dans La femme de trente ans, fait dire à la marquise d’Aiglemont qui n’aime plus son mari, le marquis d’Aiglemont et général : « Le mariage, institution sur laquelle s’appuie aujourd’hui la société, nous a fait sentir, à nous seules tout le poids : pour l’homme la liberté, pour la femme des devoirs… Hé bien, le mariage, tel qu’il se pratique aujourd’hui, me semble être une prostitution légale. » Un siècle environ, avant Simone de Beauvoir, la marquise d’Aiglemont par la volonté de Balzac exprime ainsi l’aliénation faite aux femmes…

Hier soir, Ségolène Royal, deux heures durant, a répondu aux questions de 100 citoyens français en direct sur TF1. Sera-t-elle la première présidente de la République française ? Je le souhaite.

Lire Balzac après sa prestation, c’était mesurer les effets des révoltes et des luttes des femmes au cours des décennies partout dans le monde, mais aussi le chemin à parcourir encore pour vaincre les oppositions multiples du pouvoir tenu par les hommes, la misogynie des femmes elles-mêmes. Ce qu’il faut de détermination, de persévérance, de convictions à Ségolène Royal en ce moment pour ne pas renoncer… Et si elle s’effondrait en direct à la télévision, quelle joie pour ses ennemis jusqu’à l’intérieur de son parti.

 

24 février

Chibanis

Treize chibanis harkis, de Fatima Besnaci-Lancou, préface de Gilles Manceron, postface de Amar Assas (Editions Tirésias, 2006).

Je termine ce matin le livre d’entretiens-portraits de Fatima Besnaci-Lancon : Treize chibanis harkis (Editions Tirésias, 2006). En 2003, l’auteur avait publié : Fille de harki (Editions de l’Atelier). Harkis et chibanis. Ils peuplent aussi Mes Algéries en France et des nouvelles publiées dans Soldats, La jeune fille au balcon… Ils sont là, compagnons réels et littéraires d’autres exilés involontaires, dans mes livres.

Je les ai entendus dans Chibanis de Philippe Bohelay et Olivier Daubard (Ed. Bleu autour, 2002) et Chibanis, Chibania de Abed Abidat (Ed. Images plurielles, Marseille, 2004). Les jeunes hommes vigoureux et pauvres des Trente Glorieuses, les hommes vaincus et trahis de la guerre d’Algérie ont vieilli. Ils sont devenus des Chibanis, des vieillards qui parlent aujourd’hui pour leurs petits-enfants.

Fatima Besnaci-Lancon les écoute comme elle écouterait ses « anciens ». Attentive, patiente, bienveillante.

Ils sont paysans dans l’Algérie coloniale. Ils disent tous qu’ils auraient vécu pauvrement mais paisiblement sans la guerre. Ils s’engagent aux côtés des soldats français pour la solde, parce que le père ou le frère ont été égorgés par le FLN, parce qu’ils ont cru à des promesses… Aucun ne s’arrête à sa guerre. Ils rappellent 1962, l’indépendance et le sort réservé aux harkis par les Algériens en Algérie (les massacres, la prison et les camps, les tortures, les humiliations, l’un d’eux raconte qu’on l’habille en femme avec boucles d’oreilles pour le promener à travers le village, un autre qu’on le traîne au bout de cordes de village en village ; beaucoup réussissent à se cacher dans la forêt, nature protectrice pour ces paysans traqués). Ils rappellent aussi les souffrances des années françaises. Ils se croyaient français, ils sont maltraités par le pays avec lequel ils se sont battus. Les camps, le froid, des humiliations à nouveau, une mortalité infantile importante… Les noms des camps reviennent avec barbelés et surveillance militaire : Rivesaltes, Bias, Bourg-Lastic (dont je parle dans Journal de mes Algéries en France, le petit cimetière et les tombes des enfants), Saint-Maurice-l’Ardoise… On oblige certaines familles à donner un nom français aux enfants nés en France, on refuse un lieu de prière, on leur conseille d’oublier la religion musulmane. Ils sont français, mais « français à part ». L’Algérie n’en veut pas. Ils seront enterrés en France dans un carré musulman. L’un d’eux dit « L’Algérie je l’ai mise dans la tombe de ma mère… pour moi elle est recouverte de terre pour toujours. »

D’un côté, le pays natal, aimé, interdit. De l’autre, le pays adoptif qui ne les aime pas. Ils partagent tous la même amertume. Ils soulignent tous le courage de leurs femmes. Le même espoir, que leurs enfants trouvent place dans le pays qui est désormais leur pays.

Une plainte reste : lancinante : « Loin du pays natal, le temps passe pour rien. »


27 février

AlgérieCe pays est le nôtre de A. Medjaoui. Algérie, récit anachronique de Daniel Timsit.
C’est dans le dernier livre de Henri Alleg : Mémoire algérienne (Stock, 2005) que je lis quelques lignes sur l’histoire d’une jeune Française née en Algérie dans le domaine familial « Haouch madame Loup », la ferme de madame Loup, comme quelques colons dont le père de Anne-Marie Langlois à Sébaïn (Hauts plateaux de l’ouest). Je parle de sa passion algérienne dans Journal de mes Algéries en France, Borgeaud et son immense propriété de la Trappes à Staouëli, Aurélie Picard-Tidjani à Kourdane… Jeanne Loup entreprend de construire une école et un dispensaire pour les ouvriers agricoles et leurs familles sur le lieu même de leur travail dans la Mitidja. Elle prendra toujours la défense des humbles, des fellahs si souvent victimes de la misère, la famine, les épidémies durant la période coloniale.

La fille de Jeanne, Eliette, membre du PCA (Parti communiste algérien) s’engage aux côtés du FLN. Agent de liaison, comme Djamila Amrane – Danièle Minne et bien d’autres femmes indépendantistes, elle est arrêtée et torturée par le capitaine Faulques. Elle vit aujourd’hui à Alger, comme Jacqueline Gueroudj-Minne, la mère de Danièle-Djamila, contrainte de quitter l’Algérie lors des années terribles de guerre civile, les années 90. (Des groupes islamistes se revendiquant d’« Al Qaïda au Maghreb » organisent des attentats en Kabylie, plusieurs morts, il y a quelques jours. Les mêmes groupes menacent la France aujourd’hui.)

J’ai écrit à Eliette Loup-Hadjeres. Je lui demandais de me raconter un peu de son histoire, de son enfance algériennes. Sa voix au téléphone, enjouée, ironique. Elle n’a rien fait de si extraordinaire… Sa mémoire n’est plus fidèle. Elle parle de ses oiseaux, dix perruches. Une volière ? Non, trois cages sur le balcon. Par son libraire, elle m’a fait envoyer trois livres : Ce pays est le nôtre de A. Medjaoui (Casbah éditions, Alger 2000). J’apprends que sa femme Baya Redjimi a été l’amie de ma sœur martiniquaise Danièle, à Kouba, le « lycée franco-musulman » d’Alger avant l’indépendance.

MedjaouiC’est le récit d’un engagement politique et révolutionnaire. Medjaoui originaire de Montagnac-Remchi, lettré en arabe et en français, au lycée Slane de Tlemcen, le professeur Minne lui enseigne la philosophie, et Jean-Pierre Millecam la littérature, entreprend (il n’est pas le seul) des études de médecine à Alger avant d’opérer dans les maquis de Kabylie sous les ordres de Nefissa H dont il admire le courage et l’efficacité, où il met en place un service de santé. Arrêté au même moment que Danièle Minne, il se retrouve à la centrale de Lambèse, l’ancien bagne où l’a précédé Daniel Timsit, médecin indépendantiste. En 1957, Timsit a été interné à Lambèse où il a répondu aux questions de Simone Veil qui dirigeait la commission d’enquête envoyée à la Centrale. Impressionné par la beauté de Simone Veil, il dit qu’il lui a parlé parce qu’il pouvait dire ce qu’il avait à dire à une femme, à cette femme-là. Il le raconte dans : Algérie, récit anachronique (Editions Bouchêne, Saint-Denis, 1998). Abdel-hamid Benzine raconte aussi la férocité des camps (celui de Boghari) dans Le camp (Editions sociales).

Libéré en 1961, Medjaoui, muni d’une carte d’identité française, poursuit ses études de médecine à Bruxelles. Il revient à Alger en 1962. La suite fera l’objet d’un nouveau livre.


Neuf Moi, nouvelles de Mohamed Badawi (Chihab Editions, Alger, 2005) et Kan ya ma kan L’Algérie des conteuses (Media Plus, Constantine 2006) m’arrivent aussi d’Alger par les soins d’Eliette Loup-Hadjeras. Je reparlerai du livre de contes collectés et traduits par Zineb Labidi qui a participé au livre Mon père, qui paraît en mars 2007 aux éditions Chèvre-feuille étoilée à Montpellier.

Je reviens à Eliette.

Sa façon de parler de l’Algérie, de la terre des fellahs, « ses pères », des paysans de « Haouch Mezghani » du nom « d’un vénérable marabout fils de la tribu des Beni-Mezghani », elle enfant, pieds-nus comme « ces maîtres de son destin » patients, sereins, puissants autant que la terre qu’ils ont habitée et travaillée, ces paysans elle les a aimés et ils l’ont aimée… Elle en parle comme Jean Pélégri de la ferme de son père « Haouch Kateb », « La ferme de l’écrivain », dans son très beau roman Le maboul.

Eliette m’envoie aussi la reproduction d’un tableau de Souhila Bel Bahar, Femmes d’Alger (1999) qui parodie, en souriant, Delacroix, Matisse et Picasso. J’aimerais voir d’autres pièces de cette artiste algérienne. Un jour.


Souhila Bel Bahar, Femmes d’Alger (1999)

Consultez d'autres carnets de lecture le site Littera 05 et sur le site Leïla Sebbar

 

 

Actualisation : juillet 2007