Août 2006

J’aime le mois d’août à Paris.

Sur le parvis de l’Hôtel de ville, hommage aux combattants de la libération de Paris. Portraits géants des résistants étrangers. 3 000 soldats des anciennes colonies d’Afrique la 2e DB du Général Leclerc « Patriotes d’ici et d’ailleurs ». Si Bertrand Delanoë n’était pas le maire de Paris, que dirait-on ? On se moquerait.

La lettre de Fatiha Toumi, une amie de la bibliothèque du 1er arrondissement à Lyon, raconte l’hommage rendu à l’armée d’Afrique le 15 août à Saint-Raphaël devant l’obélisque du souvenir, face à la mer. Pas d’Africains. Un Algérien oublié qui sourit à Fatiha. Elle aurait pu lui parler, elle n’a pas voulu. À cause du geste pathétique de l’ancien combattant épinglant une rangée de médailles sur sa veste « près du cœur » ? Pour lui, j’écrirai une nouvelle dont il sera le héros…

Fatiha s’amuse avec son blog « Shérazade » (http://Sherazade.over-blog.org).

Si je parle du musée de la poupée je serai accusée de nostalgie, sinon de niaiserie. J’ai aimé les poupées et les baigneurs en même temps que j’étais un peu « garçon manqué ». Dans le musée, des mères et grands-mères avec filles et petites-filles. Pas de garçon ni de père ou grand-père. Une vitrine « orientalisme » avec poupées exotiques, une vitrine de poupons et poupées noirs « Sur la plage » avec cocotiers et singes, une jolie martiniquaise à madras. Une grand-mère antillaise explique à sa petite-fille que la croix en or se porte souvent. C’est avec le succès de l’exposition coloniale de 1931 que des poupées de couleur font leur apparition. Bien sûr Joséphine Baker trône sur un podium avec plumes et fourreau doré. Je reconnais la poupée Bleuette, ma favorite, dans la vitrine « Poupées de la Semaine de Suzette » et le baigneur « Petitcollin » pour qui j’ai appris à tricoter des barbotteuses compliquées, mes sœurs aussi.

Et pendant ce temps de paix, c’est la guerre au Liban. Israël qui refuse la négociation depuis plus de 50 ans, bombarde le pays d’à côté, le Liban, parce que deux soldats ont été arrêtés et séquestrés par le Hezbollah des « prises de guerre » il ne s’agit pas de civils comme les détenus libanais des prisons israéliennes, suspects d’activisme, comme les Palestiniens abattus « assassinats sécuritaires » par l’armée israélienne dans le ghetto bidonville de Gaza asphyxiée… Que les colonies de Cisjordanie soient enfin évacuées, que les occupants israéliens civils et militaires quittent ce qui ne leur appartient pas au Liban, en Syrie, en Palestine, et peut-être alors pourra-t-on parler de paix.

 

Fin août

Je reçois de Jean-Jacques Colonna d’Istria, deux livres concernant des colonies pénitentiaires agricoles corses. J’ai rencontré Jean-Jacques, libraire et éditeur (La Marge) il y a quelques années à Ajaccio où il avait organisé un festival littéraire. C’est vers le pénitencier de Coti-Chiavari (où de 1855 à 1906, 22,8 % des détenus sont recrutés dans les maisons centrales d’Algéri1) que le berger Amara se dirige, lorsque Isabelle Eberhardt le rencontre sur le bateau (elle écrira une nouvelle). C’est à la citadelle carcérale de Calvi2 que sont envoyés en 1871-72 des insurgés algériens des tribus Ouled Sidi Cheikh, Mokrani, Rahmanya (Hauts Plateaux, Kabylie, Aurès). D’autres prisonniers algériens débarquent au bagne de Toulon, au Fort Saint-Louis dans l’île Sainte-Marguerite près de Cannes, à Porquerolles, au château d’If. D’autres encore sont envoyés à Aniane près de Montpellier et à Nîmes. Jusqu’en 1902 environ, ils cultiveront des jardins pour leur subsistance (ils ont droit à un café maure et à des burnous). Ils jouissent d’une semi-liberté, en 1884 naît Khadra, d’un père originaire de Biskra. Longue vie aux descendants de Khadra.

 

Début septembre

Pages volantes, une librairie que j’aurais appelée Librairie des deux sœurs ou Librairie des deux amies. Deux femmes que je nommerai Vénus et Diane, elles ressemblent à Ève et Rosa de la librairie de Momo dans Le Chinois vert d’Afrique. Momo cherche l’Algérie, la guerre, des photographies, je cherche des livres de jeunesse sur les colonies de l’ancien empire français. C’est une librairie de livres anciens, Jeunesse, Adultes. J’achète Sainte Salsa de Tipasa dont je reparlerai, La nuit de Jérusalem de Myriam Harry que j’ai découverte il y a deux ans, un texte qu’il faudrait rééditer où Myriam Harry raconte sa ville natale Jérusalem, son père est juif polonais converti à l’anglicanisme, sa mère allemande. On assiste la même nuit à trois cérémonies religieuses, juive, chrétienne, musulmane, on est dans les années 20. Jérusalem aujourd’hui. Ville Sainte, toujours disputée pour sa « sainteté ». Les collines vertes ou ocre, il y a 20 ans, sont peuplées de colonies juives.

 

5 septembre

Lucien Igor Suleiman a 7 mois.

 

8 septembre

Dans Le Monde. Une page consacrée à Bush. Il reconnaît que les « détenus fantômes » de la CIA existent. Ils sont transférés à Guantanamo, lieu d’incarcération et de non-droit.

 

11 septembre

Je ne regarde pas les commémorations diverses à la télé, je n’écoute pas la radio, je ne lis pas la presse.

La stratégie USA-Israël a réussi. C’est le chaos en Afghanistan, en Irak, bientôt en Iran ? Affaiblir le Moyen-Orient pour la sécurité d’Israël. Une stratégie nuisible pour Israël et la démocratie.

 

13 septembre

À la brasserie Les Éditeurs.

Fatiha m’offre un superbe livre Les colonies françaises, 1931, clin d’œil ironique et amical. À l’occasion de la fameuse exposition coloniale de la Porte dorée à Paris, ce livre auquel ont collaboré des artistes peintres et graveurs, des écrivains et des poètes. 21 planches couleur. Si Littera publiait en couleur… Un beau Targui de Gromaire en particulier.

 

Leïla Sebbar
(Paris, septembre 2006)

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