Leïla Sebbar
Journal d'une femme à sa fenêtre, Suite 16
(Janvier-février 2013)
La ferme Boyer, Hauts Plateaux algériens, le pigeonnier et la koubba. Le poète de Mellakou. La cigogne de Chenaud. Hommage des Imams de France aux victimes de la Shoah. Les Femen. La Singer et le père de Sarkozy. Portraits de Lucien Igor Suleïman.
Janvier
Je retrouve des photographies que Nora Aceval m’a envoyées en juin 2012.
Son fils Mustapha lui a rapporté l’histoire de La ferme Boyer, rapportée par Amar Belkhodja. Entre Tagdemt, l’ancienne Tiaret et Tiaret, se trouvait la fameuse ferme Boyer. Fameuse par son pigeonnier, unique sur les Hauts Plateaux de l’ouest algérien, fameuse par l’engagement des colons père et fils dans le maquis. Le fils est mort au djebel, la belle-fille Marie-Claire a été abattue dans son champ de fleurs par des parachutistes qui ont accusé les Moudjahidines, les résistants algériens. Fameuse aussi par son bassin d’irrigation « La piscine Boyer » comme le bassin dont parle, je crois, Michèle Perret dans son livre Terre du vent, une enfance dans une ferme algérienne (à Mercier-Lacombe, 1939-1945) (éd. L’Harmattan, 2009). Sur le mont du Kinjar, une vieille koubba blanche, contre un ancien fort militaire de l’époque où il fallait pacifier les territoires du Sud.
Nora m’enverra des poèmes composés par AbdelKader de Mellakou, près de Tiaret. On le voit avec sa mère, sur une photo prise par Nora.
 La ferme Boyer. Hauts Plateaux, juin 2012 (photographie Mustapha Chaïb).
 La ferme Boyer. Hauts Plateaux, juin 2012 (photographie Mustapha Chaïb).
 Mont du Kinjar, juin 2012 (photographie Mustapha Chaïb).
 Le poète AbdelKader et sa mère à Mellakou, juin 2012 (photographie Nora Aceval).
Janvier
Place d’Italie. Métro. Dans le wagon, un Antillais téléphone : « Je suis sous la terre avec les endives. »
21 janvier
Janine Pouget, la fille de l’instituteur de Chenaud, qui a vu mes père et mère, marchant le long de la Dronne, ils étaient jeunes et beaux, me dit que la cigogne au-dessus de la porte du café fermé depuis longtemps, n’est pas encore tombée.
24 janvier
Le groupuscule islamique radical « Forzane Alizza » (2010) « Les cavaliers de la fierté » s’insurgent contre l’interdiction du niqab (en France), le voile intégral. Un site qui recrute des « soldats ». Ils iront se battre en Syrie dans les rangs des Djihadistes.
4 février
Hommage des imams de France aux victimes de la Shoah, au Mémorial, sur les lieux d’internement des Juifs à Drancy, à l’initiative de l’imam de Drancy, Hassan Chalghonmi, en présence du ministre de l’Intérieur Valls.
70 000 Juifs de France ont été déportés entre 1941 et 1944.
75 000 Juifs ont été sauvés par des Français.
9 février
Des croix gammées sur la mosquée de Provins (Seine-et-Marne).
12 février
Les Femen, groupe féministe né en Ukraine (2008) exilé en France depuis un an environ, médiatisent leur mouvement par des coups d’éclat, seins nus couverts de slogans. À Notre-Dame culotte noire et seins nus elles ont frappé les nouvelles cloches, le poing levé « Homophobes dehors » « Plus de pape »… une nouvelle manière de se faire entendre, plus agressive, plus insolente, plus audacieuse aussi, elles prennent des risques pour défendre la cause des femmes. Elles veulent une Internationale Féministe.
21 février
Ma sœur Lysel m’envoie une publicité découpée dans Le Canard enchaîné. Une machine à coudre singer et la photo de Pal Sarkozy, père de Nicolas Sarkozy, représentant des machines à coudre Singer. C’est dans le magazine de Modes et Travaux de mai 1959.
Fin février
Un carnet de dessins de Sébastien. Des portraits de son fils, Lucien Igor Suleïman.
Illustrations 5, 6, 7, 8, 9, 10 : Dessins de Sébastien Pignon. Paris, 2013.
|