Leïla Sebbar
Mars. Révoltes arabes. La Commune de Paris a 140 ans, rue des cinq diamants à Paris, le timbre et l’enveloppe. Istanbul avec Patrice Rötig et Deniz Ünal. « Shérazade » à Moulins.
2 mars Les révoltes arabes. Enfin. Oser parler, résister, lutter, se battre et mourir pour la liberté. La Tunisie à l’avant-garde de la révolte-révolution. Elle ne cède pas. Elle exige, ne se laisse pas manipuler, elle gagne, et d’autres pays arabes après elle, jusqu’à l’Arabie saoudite. La Libye elle-même cherche à renverser son dictateur, et des hommes meurent pour parler et penser et vivre libres. Des années historiques. Je marche vers la Butte-aux-cailles rue des cinq diamants, les Amis de la commune de Paris, 1871. Il y a 140 ans. Un timbre commémore la commune. J’entre dans la petite pièce, deux femmes dévouées à l’association et à la Commune. Dans la vitrine le livre de Éloi Valat sur la Commune (éd. Bleu autour), le livre de Xavière Gauthier, la correspondance de Louise Michel. J’achète des timbres. On m’offre une enveloppe de la Commune « à usage personnel », je l’enverrai à Xavière avec le timbre, les Amis de la Commune de Paris ». Vers le jardin Brassaï, sur les pavés le dernier soleil froid, l’odeur du figuier. Des bourgeons, fins et aigus, verts, bientôt le printemps. La supérette, le patron est marocain :
8, 9, 10 mars
À Istanbul, avec Patrice Rötig et Deniz Ünal, pour des rencontres au lycée Notre-Dame de Sion (une belle exposition des cartes postales coloniales de femmes d’Afrique du Nord, de Juives et d’Égyptiennes, Jacques Hassoun m’avait prêté par Pascale Hassoun ses femmes du Nil) à l’université Galata Sarraï sur le Bosphore. J’étais allée avec D. à Istanbul, il y a plusieurs décennies (une école de physique théorique avait lieu dans la capitale). C’était l’été.
25 mars Pierre Thomas, graphiste à Bleu autour, m’envoie une photo prise à Moulins, près des Imprimeries réunies où il travaille : un restaurant SHERAZADE. La même transcription en français que mon héroïne Shérazade, 17 ans brune frisée, les yeux verts qui a fait retour en 2010 grâce aux éditions Bleu autour.
Avril Les révoltes arabes. « La vache qui rit » à Benghazi. Publicités. Depuis janvier 2011, on parle des révoltes arabes du « Printemps arabe ». Les peuples arabes disent NON à la tyrannie, à la corruption, à l’injustice. Ils ne veulent plus être des sujets mais des citoyens de nations démocratiques. Combien ont perdu la vie pour la liberté, la justice, l’égalité, un état de droit. Lorsque l’armée en Tunisie et en Égypte n’a pas été une armée de répression, les forces vives se sont mises au travail pour préparer élections et constitutions. Ce sera long, difficile, il y aura des luttes politiques mais rien ne sera « comme avant », même si la Syrie avec Al Assad réprime, tue pour garder le pouvoir du clan familial et tribal, même si la Libye vit une guerre civile, même si le Yémen poursuit comme le Maroc ses manifestations de protestations pour une nouvelle constitution… Il faudra des mois, des années, des décennies, mais les pays arabes se sont levés, ils sont debout, c’est une immense joie. Et l’Algérie, dont l’armée et la police ont réprimé durement les manifestants, l’Algérie qui a connu une longue guerre de libération puis une longue guerre civile, l’Algérie, elle aussi, avec ses femmes et ses jeunes curieux du monde, dira NON. À Benghazi, pour les insurgés, les femmes ont des sandwichs à la Vache qui rit. Fatiha Toumi est allée en Asie du Sud-Est, Singapour, Malaisie, j’ignore si elle a photographié, comme au Vietnam, des enseignes de Vache qui rit, le fromage de l’enfance coloniale, aujourd’hui fromage universel. Quand les femmes ne sont pas manipulées pour accompagner la publicité, on déguise les fruits et légumes en femme, en homme. |
Actualisation : juillet 2011 |