Journal d’une femme à sa fenêtre
(suite 24)
Février-mars 2014
Destruction massive d’ivoire illicite. Le Maghreb des livres à l’Hôtel de ville de Paris. Nouvelle journée de retrait de l’école. L’école en bateau du pédophile Kamenef. Transfert d’enfants réunionnais dans la Creuse. Lucien Igor Suleïman dessine le monde. 8 mars, des femmes nues devant la Pyramide du Louvre. Le quartier chinois à Paris. Le Quick. À la librairie Les oiseaux rares.
6 février
La France détruit trois tonnes d’ivoire illicite, en public sur le Champ-de-Mars, près de la tour Eiffel en présence du ministre de l’Écologie et de Nicolas Hulot… « Pour dire que l’ivoire n’a plus de valeur. »
Ces destructions massives de 698 défenses brutes ou travaillées et 15 357 pièces d’ivoire, statuettes, bijoux… concassées, qui serviront à la fabrication de matériaux de construction. Ces destructions de tonnes d’ivoire au Kenya, aux USA, en Chine, me paraissent aussi barbares que les massacres d’éléphants par des braconniers en lien avec des réseaux de groupes rebelles ou islamistes. L’article du journal Le Monde qui rapporte ces actes ne s’émeut pas de la disparition, en même temps que des éléphants, de l’ivoire comme patrimoine culturel de l’humanité. Je serais la seule à réagir ainsi ?
8 février
Au Maghreb des livres, un tract circule sur les agressions graves que subissent les Mozabites dans la vallée du Mzab, en Algérie. Les textes du trac ne donnent pas d’information précise sur ce qui se passe dans la région de Ghardaïa. Qui sont les agresseurs ? Quelle est leur cible ? Pourquoi ces attaques ?
9 février
Appel à une nouvelle journée de retrait de l’école. Suivi par 71 écoles. Dresser ainsi de jeunes enfants contre l’école, en particulier des enfants de familles démunies, issues de l’immigration musulmane pour qui l’école de la République, école gratuite, est en quelque sorte l’espace de l’avenir, de l’acquisition d’un savoir, d’un savoir-faire, d’un esprit critique, c’est les priver de l’essentiel dans une société moderne et démocratique, dans un État de droit. C’est les priver de leur liberté.
Polémique autour du livre pour enfants : Tous à poil de Claire Franck et Marc Daniau (Le Rouergue, 2011). Du tout-petit à la grand-mère, chacun, chacune se déshabille pour aller se baigner. On est dans un camp de naturistes sans le dire.
Sait-on ce que pensent les enfants que les parents emmènent en vacances dans un camp de naturistes ? Je n’ai pas lu d’enquête sur ce sujet-là. On a su, en revanche, à la suite de plaintes et de procès, ce qui s’est passé sur L’école en bateau de Léonid Kamenef, obligeant les enfants garçons et filles à vivre nus, pour les avoir à portée de main et de sexe. Kamenef, le plus grand pédophile de ce siècle, auquel les parents, en toute naïveté, au nom de la liberté et de la nature livraient leurs enfants.
18 février
La députée PS de la Réunion, Erika Bareigts exige que l’État français demande pardon pour l’enlèvement de 1 600 enfants réunionnais de 1963 à 1982. Michel Debré alors député de la Réunion avait organisé le transfert d’enfants orphelins et abandonnés, dans la Creuse (En France) qui souffrait de dénatalité. Ces enfants ont été placés dans des familles d’accueil. Il faudrait mener une véritable enquête pour connaître le sort réel de la majorité de ces enfants. Peut-être ce travail a-t-il été fait ? Des associations réunionnaises ont engagé des actions en justice qui n’ont pas abouti en 2002. Quelle sera la suite de l’intervention de la députée ? Internet qui sait toujours TOUT… le dira peut-être. Je pense à la sculpture de l’enfant, un garçon, abandonné, que je vois presque chaque jour, boulevard Blanqui lorsque je vais au marché. Il est habillé comme Rémi sur les images du roman Sans famille. J’écrirai, un jour, une nouvelle sur ces enfants-là.
Fin février
Lucien Igor Suleïman a une passion pour la carte du monde. Il sait la dessiner de mémoire avec les noms des pays et leur capitale. Il ne se trompe pas.
Lucien Igor Suleïman, février 2014.
Lucien joue avec des corsaires, février 2014.
Début mars
Sur le trottoir une affichette m’intrigue. Un homme, sac à dos, casquette, marche dans un paysage de steppe. « Jeûne et Défume » « Séjours à Essaouira au Maroc » une publicité d’agence de voyage. Efficace ?
8 mars
Suggérer à la ministre des Droits des Femmes que chaque jour soit fêté comme La Journée des Femmes. Devant la Pyramide du Louvre, une petite manifestation spectaculaire : sept jeunes femmes arabes nues contre l’oppression « Liberté Égalité Laïcité » avec chapeaux tunisiens, iraniens et français, parmi elles, Amina la Tunisienne ex-Femen. Un ouvrier, devant son entreprise en liquidation judiciaire (chaque jour des fermetures d’entreprises soumises à la voracité du libéralisme financier international, ferment) dit « Si on met pas le feu, on passe pas au 20 heures à la télé, on parle pas de nous, on n’existe pas. »
10 mars
À Nice, où je ne vais plus, une jeune Shérazade chef de bande, voleuse de smartphones… Je me suis demandé si ma Shérazade de la trilogie romanesque aurait ainsi, aujourd’hui volé des smartphones. Elle n’était pas chef de bande.
À la brasserie Les chimères place Saint-Paul face à un vieux manège, sur une plaque d’émail au comptoir « Il n’est pas nécessaire d’être fou pour travailler ici, mais ça aide. »
Une femme asiatique boit un Ricard avec une paille.
Après une rencontre littéraire au café L’âge d’or dans mon quartier ou avant, je ne sais plus, je marche dans les rues chinoises, avenue de Choisy, avenue de Vitry. Je cherche un café. Des restaurants : Trésor d’Asie, Jardin d’Asie, Hawaï… Je demande un café à un employé de la voirie : « À gauche, vous aurez un bar-café. Bar Café Robert chez Papy. C’est l’heure de l’apéritif. Des hommes, il n’y a pas de femmes, boivent des bières et des pastis. Un jeune entre :
- Qu’est-ce que tu bois ?
- De l’eau.
- On n’est pas dans une pharmacie…
Au mur des reproductions de corridas de Picasso. Des cartes postales derrière le bar. Le patron est beau (c’est rare), il a une belle voix (c’est rare).
J’ai faim. Je suis seule. Un Quick ouvert. Je mange tristement 1 cheeseburger, 1 frite moyenne comme le dit la note que je lis entièrement, rien d’autre à faire. Il y a des WC hommes et des WC femmes, j’ai été servie par Octavie, un prénom de théâtre. Ce soir-là, le théâtre n’est pas chez Quick. Sur la nappe en papier, des personnages divertissants pour adultes et enfants avec devinettes.
LA FAMILY QUICK
Du fun servi sur un plateau
« Marco fait le rigolo »
« Hugo en mode style »
« Lila dans tous ses états »
« Lucas et ses astuces »
« Cathy la zen attitude »
Pour chaque personnage, un portrait façon bande dessinée.
29 mars
À la librairie Les oiseaux rares, rue Vulpian en face du lycée Rodin, la libraire Fabienne Olive présente mon livre Le pays de ma mère, voyage en Frances. C’est une belle librairie littéraire, raffinée, chaleureuse. La modératrice et lectrice est comédienne et écrivain, Anne Quesemand, auteur avec Laurent Berman du livre : Le colporteur d’images (éd. L’Attrape Science, 2013). Elle est aussi directrice artistique du théâtre La Vieille grille. Adeline Olivier que j’ai rencontrée à Nantes pour Shérazade, 17 ans brune frisée les yeux verts, et que j’ai retrouvée à Paris où elle écrit et fait du théâtre, était présente avec des amies que je rencontrerai le 8 mai.
L’Arroux (France). Sébastien Pignon, 2013.
La Dordogne (France). Sébastien Pignon, 2013.
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