Leïla Sebbar, Zizou l'Algérien, Éditions ANEP, Algérie, 2005.

Il ne parle pas, il ne crie pas, pp. 92-93.

On a dit à la mère : "Même si tu ne sais pas lire l'adresse qu'on t'a donnée, tu fais bien attention : après la café qui fait le coin de la rue, en face de la boulangerie... (la boulangère est belle, jeune, blonde et ronde, elle sent bon comme son pain, je le sais, je peux l'affirmer) après l'horloger et le cordonnier chinois... (il a dressé, au fond de sa boutique, un autel qui clignote, c'est l'autel de ses ancêtres, je l'ai vu, il existe), après le parking... (dans la cabine vitrée un jeune Africain laisse ou non passer les voitures, il s'ennuie, devant lui une grosse radiocassettes, je ne crois pas que ce soit le même tous les jours, mais c'est un Africain, c'est sûr), après le salon de coiffure, tu t'arrêtes, c'est là. Tu ne traverses pas la rue. Tu verras un grand bâtiment qui ressemble à une caserne, tu sais ce que c'est, une caserne? C'est l'hôpital, l'hôpital, tu reconnaîtras. Tu demanderas, tu ne veux pas demander? Tu montreras l'adresse, tu ne veux pas non plus? Ta soeur comprend la langue étrangère? Un peu. Alors ta soeur montrera le papier, on lui dira. Avec les gestes, ça suffit. Et là, tu rentres avec ton fils. Tu ne resteras pas avec lui. C'est impossible. Le docteur sait ce qu'il faut faire pour ton fils. Mieux que toi. (...)"

 

Actualisation : juillet 2007